Agora, le nouveau chef d’oeuvre d’Alejandro Amenabar

Au coeur de cette brillante fresque de la prise d’Alexandrie par les Chrétiens (une période de l’histoire des religions « curieusement » méconnue), 400 ans après J.C, Alejandro Amenabar (Mar Adentro, Les Autres) filme avec maestria le destin tourmenté de son héroïne aussi belle que libre, incarnée par la remarquable Rachel Weisz. Un péplum haletant, au réalisme saisissant, qui propose une vraie réflexion sur toute l’ambiguïté de notre éternelle soif de religion.


Depuis cinq ans que le génial cinéaste, scénariste et compositeur espagnol Alejandro Amenabar avait disparu des plateaux de cinéma européens comme américains, on se doutait bien qu’il le faisait pour une bonne raison: mettre au point avec un vrai budget hollywoodien un péplum à l’esthétique et au discours narratif irréprochables.

En choisissant comme héroïne une femme philosophe luttant contre les préjugés engendrés par le christianisme en pleine expansion dans cette partie géographique de l’Egypte très sensible que représentait alors Alexandrie, il y avait cependant fort à parier qu’Amenabar allait droit au casse-pipe!

Pourtant c’est justement cette audace de la forme et du propos qui paie ici sur grand écran. Agora ne raconte pas simplement le parcours d’une héroïne, sa lutte contre l’intolérance de son temps, mais bien le parcours de plusieurs destins imbriqués les uns aux autres, autour de cette femme belle et sereine, prisonnière cependant de sa propre quête; se heurtant au désir de ses contemporains, comme à son propre désir charnel inassouvi.

L’oeil de Dieu pour caméra

Hypathie suscite en effet l’admiration de tous et notamment de ses élèves qui formeront plus tard les dignitaires importants de la cité, voire les chefs des religions qui se disputent le pouvoir d’Alexandrie (les Juifs, les Chrétiens et les Païens).

Evitant les écueils d’une reconstitution historique grossière, d’une réflexion philosophique « prise de tête » ou ceux d’un péplum à l’intrigue archi-prévisible, la caméra d’Amenabar met l’émotion de ses personnages principaux dans la ligne de mire du spectateur qui ne peut s’empêcher de vibrer pour l’intrigue romantique souterraine de cette femme libérée et de son bel esclave (Max Minghella, fiston du regretté Anthony Minghella, ici, époustouflant de charisme et d’intériorité de jeu).

La caméra d’Amenabar sait aussi prendre le temps de poser son décor, de montrer l’évolution psychologique et les dilemmes rencontrés par chacun de ses personnages, tout en proposant des rebondissements spectaculaires, avec des prises de vue sans trucage mais inédits par leurs choix de cadrage.

Cette mappemonde qui ouvre et referme le récit nous place dans la même position de spectateur que Dieu selon Amenabar: 400 ans après JC, nous assistons à une bien curieuse destinée, celle d’une humanité sous le joug du terrorisme, assoiffée de vérité… Singulièrement proche de celle de 2010, en fait.

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