Critique théâtre: Douce-amère de Jean Poiret

Sous ces costumes et décors revendiqués seventies (magnifiques, au passage !), la pièce de Jean Poiret mise en scène par Michel Fau aux Bouffes Parisiens, nous touche d’autant plus que sa réflexion sur la « femme d’aujourd’hui » est plus piquante et d’actualité que jamais. Mélanie Doutey y est tout simplement éblouissante, épaulée par un Michel Fau qui nous régale toujours autant et un trio de comédiens au top.

Il faut ici remercier le théâtre des Bouffes Parisiens qui a organisé une chaleureuse rencontre avec l’équipe artistique (et une coupe de champagne en prime !) à la sortie de la pièce. Michel Fau qui signe ici la mise en scène, en plus de l’interprétation, avoue aimer diriger et interpréter tout en même temps, un peu à l’image de son propre personnage, Philippe, ce mari (en passe d’être) bafoué qui cherche à garder le contrôle de loin sur sa femme, en lui présentant ses amants : sur le plateau ou en coulisses, Michel Fau n’est jamais très loin pour diriger ses comédiens.

Son personnage, Philippe, n’est pas un mari comme les autres. Il a cette faculté de rire et de nous faire rire de la situation qu’il vit en ce moment-même : sa femme s’apprête à le quitter. Philippe est un étonnant cocktail de héros à la Wilde, Claudel, Guitry, Cocteau qui suscite d’emblée le rire et l’empathie auprès du public. S’il disparaît une bonne partie au milieu de l’intrigue, il n’en est pas moins présent dans l’esprit des autres personnages et du nôtre.

Une écriture pleine de panache

Sa femme, Elisabeth, sous un vernis glamour et résolument assuré, se cherche constamment, angoissée secrètement d’affronter sa propre solitude. En épouse de Philippe, elle n’est pas avare en réparties saillantes. Mélanie Doutey malgré tout ce texte incroyable à interpréter (elle avoue elle-même, comme ses partenaires, avoir particulièrement enduré cet apprentissage) ne se départit jamais d’en souligner la sincérité (Un Molière pour cette performance ne serait pas surprenant).

Dans ces décors psychédéliques, proches de l’univers de Kubrick et permettant de mieux entendre le texte : ce mari et cette femme s’entourent d’un trio de personnages masculins, amants fantasmés ou non, ici brillamment incarnés. Avec beaucoup d’humour et d’autodérision, ils sont soucieux de retranscrire ce même panache dans la « folie », l’imagination et l’élégance qui fait le sel de l’écriture de Jean Poiret.

Ce dernier a écrit cette pièce au début des années 1970, s’inspirant de sa propre vie. Il a insufflé un humour acidulé et « doux-amer » à la fois, éloigné de sa pièce suivante La Cage aux Folles (plus connue du grand public) et qui permet une exploration du couple plus en profondeur.

Dans les arcanes de cette relation surprenante qui lie (ou délie) un mari à sa femme, Jean Poiret compose une partition musicale de haut vol. Son intrigue est surprenante et ses répliques fort savoureuses. Pas étonnant que les comédiens s’amusent autant chaque soir.

Michel Fau a bien fait de se pencher sur ce chef-d’œuvre méconnu de Jean Poiret. Ses comédiens comme son public lui en sont reconnaissants.

PS : A noter que le texte de la pièce est paru à l’Avant-Scène théâtre.

Douce-amère de Jean Poiret

Mise en scène de Michel Fau

Avec Mélanie Doutey, Michel Fau, David Kammenos, Rémi Laquittant, Christophe Paou

Théâtre des Bouffes Parisiens

www.bouffesparisiens.com

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