Entretien avec Francis Lombrail

C’est tout simplement sur la scène de son théâtre (le Théâtre Rive Gauche qu’il co-dirige avec Eric-Emmanuel Schmitt et Bruno Metzger) que Francis Lombrail nous reçoit pour nous parler de la pièce dans laquelle il joue actuellement, A tort et à raison. Cette œuvre captivante, signée Ronald Harwood, raconte un bien étrange interrogatoire entre un commandant américain assoiffé de justice et un brillant chef d’orchestre allemand, accusé d’avoir collaboré avec les nazis pendant la seconde guerre mondiale.

Pouvez-vous nous parler de votre personnage dans la pièce A tort et à raison que vous jouez en ce moment au Théâtre Rive Gauche ?

Steve Arnold, mon personnage, est un commandant américain diligenté par le QG d’Eisenhower pour enquêter sur les nazis après la guerre, en 1946. Il ne connaît rien à la musique. Avant d’arriver à Berlin, on lui a fait visiter un camp de femmes. Il a vu l’insoutenable et depuis, il vit comme une bête fauve, constamment en révolte. La mission qu’il doit accomplir face à Wilhelm Furtwängler, brillant chef d’orchestre, accusé d’avoir collaboré avec les Nazis en Allemagne, est littéralement de réunir toutes les preuves contre lui, quitte à s’éloigner de la vérité. Ce qui est intéressant avec ce personnage, c’est que finalement il part d’un extrême à l’autre, tellement il est assoiffé de rétablir la justice après ces années particulièrement sombres.

Quand aviez-vous découvert cette pièce ?

Il y a quinze ans, tout simplement dans la salle où jouait Michel Bouquet. J’ai été bouleversé par cette pièce et je me suis juré de la jouer un jour.

Qu’est-ce qui vous touche dans cette pièce particulièrement ?

L’énergie totale qui monte crescendo. L’atmosphère oppressante à la Tennessee Williams. La réaction du public aussi : souvent, je sens les gens émus, étonnamment captivés.
C’est une pièce magnifiquement écrite, où en tant qu’acteur, il faut se laisser emporter, comme dans une histoire d’amour. J’aime aussi le travail millimétré d’Odile Roire qui a signé la mise en scène, la collaboration avec Jean-Pol Dubois qui est un vrai Stradivarius, les jeunes comédiens comme Jeanne Cremer, Guillaume Bienvenu, Thomas Cousseau.

« Ce que nous recherchons avant tout ce sont des spectacles qui vont interpeller les gens. »

Quelle était la clé finalement pour incarner votre personnage ?

C’est un fauve mais il est aussi très seul. C’est en cela qu’il rejoint l’univers de Tennessee Williams, façonné par la lutte et la solitude. Il est littéralement possédé par son travail. Il est constamment repoussé par sa secrétaire avec qui il essaie pourtant d’établir un rapport affectif voire sexy. Mais le mur est le même avec le personnage du jeune officier incarné par Guillaume Bienvenu. Cela l’isole d’autant plus.

Comment avez-vous travaillé ce duel permanent avec Jean-Pol Dubois ?

C’est très étrange car cette tension (ce mélange d’eau et de feu en permanence) s’est créée tout de suite et ce dès la première lecture avec Jean-Pol. On voulait surtout éviter de tomber dans le côté un peu simpliste de l’interrogatoire ou de la garde-à-vue. On s’est ainsi plutôt rapproché d’un spectacle à l’américaine, constamment tendu, où en tant qu’acteur, il faut s’avoir s’oublier et laisser l’énergie fuser.
Quel type de comédien, de jeu d’acteur vous intéresse ?

J’ai beaucoup de références en tête : j’aime ces comédiens viscéraux comme Niels Arestrup, Michel Aumont, Balmer, Luchini, le jeu tout en finesse de Patrick Chesnais.
Côté cinéma international, je suis fan de Tommy Lee Jones, Matt Damon, George Clooney, Pacino, Keitel. Javier Bardem est également un monstre de comédien, selon moi.

Vous co-dirigez le théâtre Rive Gauche avec Eric-Emmanuel Schmitt. Comment l’avez-vous rencontré ?

Ce sont les éditions Albin Michel qui m’ont mis en contact avec lui. Comme moi, il avait très envie d’acheter un théâtre. Et on s’est décidé comme ça, tous les deux, d’un seul coup ! On a fait un prêt conséquent auprès d’une banque. Une vraie folie douce ! (rires)
Cette saison, nous proposons plusieurs spectacles en alternance comme le spectacle musical Billie Holiday (à partir du 19 avril), L’Affrontement (avec Francis Huster et Davy Sardou, à partir du 28 avril) et A tort et à raison que nous jouons jusqu’au 27 avril tous les soirs du mardi au samedi à 19h et le dimanche à 17h30. Par la suite, nous allons probablement continuer de jouer ce spectacle, en l’intarcalant dans la programmation, trois fois par semaine. Eric-Emmanuel Schmitt a aussi très envie de mettre lui-même en scène à la rentrée sa pièce La Trahison d’Einstein.
Le challenge de ce théâtre est aussi de proposer deux spectacles de qualité par soir, à 19h et 21h. On reçoit bien sûr beaucoup de propositions de la part des auteurs mais ce que nous recherchons avant tout ce sont des spectacles qui vont interpeller les gens.

Comment avez-vous été happé par le théâtre ? Quel a été votre parcours ?

Dès l’âge de 20 ans, j’étais intéressé par le cinéma, l’écriture, le théâtre. Je travaillais même à 22 ans avec Jean Aurenche et Alexandre Joffé sur une adaptation des Pierres sauvages mais je n’ai pas pu continuer et j’ai travaillé comme commissaire priseur à Bordeaux pendant plus d’une vingtaine d’années. En 1997, mon associé meurt et cela m’affecte beaucoup. Comme je vivais au Cap-Ferret, je voyais souvent des comédiens comme Claude Sarraute, Marthe Mercadier et qui m’ont encouragé à me lancer, c’est-à-dire à créer mon théâtre, ma compagnie, jouer des pièces à Avignon. Par la suite, je suis monté à Paris car c’est là que tout se passe, question théâtre…

Théâtre Rive Gauche

Pour plus d’infos sur le théâtre et sa programmation, découvrez son site web: http://www.theatre-rive-gauche.com

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