O.R.N.A : « Je ne suis pas un « On » !
La pièce écrite, mise en scène et interprétée par Anne Cardona, sur le plateau avignonnais de la Luna, aux côtés des comédiens Laura Marin et Nicolas Moreau, est un cri. Un appel courageux à la réflexion et pourquoi pas dès à présent à l’action : l’Intelligence artificielle qui s’immisce déjà dans notre existence, ne doit pas souiller la fin de vie de nos anciens.
O.R.N.A, dans le tourbillon du festival du OFF d’Avignon, parmi ces plus de 1700 spectacles qui cohabitent et dont l’affichage et le tractage dans les rues est une bataille quotidienne, tient une place à part.
Peut-être parce qu’elle aborde sans détour deux thématiques de société fortes et préoccupantes à la fois : la dangerosité de l’Intelligence artificielle et le respect de la fin de vie humaine qu’on tend à invisibiliser.
« Et les humains devinrent les outils des machines. »
A la manière d’une épitaphe s’ouvre ainsi ce sombre récit, qui n’exclut pourtant jamais l’humour, et que l’auteur projette en 2050, dans un avenir, hélas, guère lointain.
Monsieur est âgé, enfermé dans une maladie mentale dégénérative que seule la présence intrusive et mortifère de la télévision (incarnée avec beaucoup de mordant par Anne Cardona), celle d’une aide-soignante Ornella, volubile et attachante, et quelques appels complices en visio de sa petite-fille, viennent distraire.
Se raccrochant aux gestes quotidiens (le repas, la promenade, le rasage) et au souvenir (celui de sa femme disparue), l’homme pourtant vacille : « Mon soleil s’est éteint un soir de lune. »
Nicolas Moreau compose ici une partition juste et sensible.
Onirique et glaçant
L’onirisme de cette œuvre se renouvelle sans cesse sur le plateau. Au texte, proche de l’univers de Cocteau, simple, incisif et poétique à la fois, s’ajoute un savant jeu de lumières et de chorégraphie.
A la façon d’un bal visuel constant entre le bleu métallique du robot et l’orange flamboyant du vécu, O.R.N.A virevolte, s’inspirant de l’esthétisme japonisant d’un kimono en mouvement comme de celui d’un sabre, oserions-nous qualifier ici « de Damoclès » posé sur la tête du héros.
La descente progressive aux Enfers de ce dernier est menée par ce personnage humanoïde, ORNA, clonée sur Ornella et qui va peu à peu remplacer cette dernière.
Elle en a la plastique mais pas la vivacité. Ses gestes sont saccadés, sa démarche programmé, son phrasé erroné. Mais comme ces machines à l’algorithme savant, elle cherche constamment à apprendre et à s’améliorer. En résultent des dialogues cocasses et tout aussi poétiques. Ainsi le « je dois tailler la route » se transforme sans crier gare en un surprenant « élaguer le bitume ».
Incarner alors deux personnages antithétiques jusqu’à leur gestuelle (l’humain et la machine) est un tour de force qu’accomplit avec flamme et précision Laura Marin.
Plus que quelques représentations seulement pour entendre ce très beau cri lancé dans la nuit : « Je ne suis pas un « On » ! », clame le héros face à sa famille devenue hologramme.
O.R.N.A De et mise en scène : Anne Cardona Avec Laura Marin, Nicolas Moreau et Anne Cardona Chorégraphie : Sophie Pajot Musique : Bertrand Louis Vidéo : Katell Paugam Sound design : Laurent David Lumière & Régie : Guillaume Rouchet Crédits photo : Compagnie Les Bicéphales Théâtre de la Luna 13h05 Relâche le 23 juillet Jusqu’au 26 juillet Réservation ICI !