Critique théâtre: Stavanger – Avignon OFF

Un titre intrigant qui invite au voyage… Mais ici le voyage n’est pas tant géographique qu’intérieur. Créée spécialement pour cette édition du OFF d’Avignon 2016, Stavanger, écrite par Olivier Sourisse nous transporte dans un univers psychologique haletant (très proche de celui des récentes séries TV américaines) en même temps qu’elle est empreinte d’une poésie à la Jean Cocteau, puissamment tragique et moderne.

Florence Bernstein (Sylvia Roux), brillante avocate et maitresse femme, vient de recueillir chez elle, en pleine nuit, un jeune inconnu, Simon (Thomas Lempire) qui souhaitait mettre fin à ses jours, allongé sur les rails d’un train. C’est un étrange dialogue qui débute entre eux, chacun recelant sa part de secrets et de questionnements vis-à-vis de l’autre.

Un face à face psychologique particulièrement fort mais non dénué d’humour et de poésie. En cela, on y retrouve beaucoup de ressemblances avec l’univers poétique de Jean Cocteau et notamment de L’Aigle à deux têtes : du décor inquiétant soudainement éclairé par un chandelier, à cette confrontation d’une jeune femme solitaire mais au caractère bien trempé face à un mystérieux inconnu qui rappelle le personnage interprété par Jean Marais, l’anarchiste venu assassiner la Reine, interprétée par Edwige Feuillère.

Une filiation de jeu qui interpelle

Ayant moi-même rédigé un mémoire de Lettres Modernes consacré à « L’Aigle à deux têtes : poésie de théâtre, poésie de cinéma », je suis surprise de constater à quel point une sorte de filiation de jeu s’opère ici sur la scène de l’Arrache-Cœur : derrière le personnage de Florence Bernstein, interprété avec beaucoup de charisme par Sylvia Roux, je retrouve la flamme du jeu d’Edwige Feuillère (mais aussi celle de la comédienne Bérengère Dautun qui avait repris le rôle de la Reine dans L’Aigle à deux Têtes). Face à elle(s), il y a Thomas Lempire dont la ressemblance avec Jude Law ainsi que dans son jeu très intérieur (qui lui-même avait joué au théâtre dans une pièce de Cocteau) m’interpelle.

Construit en quatre « scènes », le récit se fait de plus en plus haletant, à la manière des bons thrillers américains. Qui sont réellement ces deux personnages ? Se sont-ils rencontrés si fortuitement que cela ? Et où se déroule réellement l’action ? Dans quel espace-temps ? Autant de questions que l’intrigue va progressivement dénouer, avec un twist final que bien sûr, nous ne révélerons pas ici.

La musique, les accessoires et les décors participent de cet univers mystérieux et inquiétant. La mise en scène de Quentin Defalt se révèle très précise, au service d’une écriture contemporaine brillante et vibrante.

Un beau rendez-vous de théâtre à ne surtout pas manquer en pays d’Avignon…

PS : A noter que la pièce sera reprise au Studio Hébertot à Paris du 17 février au 29 avril 2017.

Stavanger
De Olivier Sourisse
Mise en scène de Quentin Defalt
Avec Sylvia Roux et Thomas Lempire
Théâtre de L’Arrache-Cœur
Avignon

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