Critique théâtre: Le Portrait de Dorian Gray

Le Portrait de Dorian Gray, le roman chef-d’œuvre d’Oscar Wilde qui lui valut la prison, est aujourd’hui adapté très judicieusement au théâtre, avec une troupe et une mise en scène aussi élégante et envoûtante qu’efficace. Son succès est tel qu’après le plateau du Lucernaire, il investit celui de la Comédie des Champs-Elysées, en même temps qu’il part à la conquête d’Avignon.

J’avais eu la chance de voir ce spectacle, pour la première fois, à l’occasion d’un showcase, il y a déjà quelques mois, avant qu’il ne soit joué au Lucernaire puis à la Comédie des Champs-Elysées et déjà, j’avais apprécié l’adaptation très pertinente de l’œuvre de Wilde.

Mais ici sur le plateau de la Comédie des Champs-Elysées, dans cette réelle ambiance de « théâtre dans le théâtre », le texte de Wilde prend tout son sens, toute sa force grâce au travail remarquable d’adaptation et de mise en scène de Thomas Le Douarec.

En effet, la mise en scène s’est épurée, en se débarrassant de quelques « effets spéciaux » alors trop appuyés. Et c’est justement dans cette épure que le texte et l’interprétation de ce spectacle n’en apparaissent que plus saisissants.

Le peintre Basil en faisant le portrait de son ami Dorian Gray a su capturer sa diabolique beauté. Harry, meilleur ami de Basil et incarnation wildienne par excellence s’est entiché de Dorian Gray. Ce dernier, à lui tout seul, synthétise les mythes de Narcisse et de Faust, en faisant le vœu de conserver lui-même la grâce et la beauté de sa jeunesse tandis que son portrait vieillira à sa place.

« Beau, sombre, diabolique de bout en bout »

Un pacte diabolique qui plonge Dorian Gray, à la recherche permanente du plaisir dans l’abîme du Mal. Oscar Wilde s’est personnellement délecté de ses trois personnages principaux, avouant lui-même : « Dorian Gray contient trop de moi-même. Basil est ce que je pense être. Harry, ce que les gens pensent que je suis et Dorian, ce que j’aurais aimé être en d’autres temps.

Il y a donc ici tous les ingrédients pour fasciner le spectateur : une intrigue haletante, une morale qui dérange, l’élégance des costumes, des décors et accessoires savamment mis en scène, ainsi que des comédiens résolument investis. Arnaud Denis incarne avec beaucoup de charisme (belle leçon de jeu, en permanence oscillant entre contrôle et lâcher-prise) ce personnage à l’extérieur exquis et à l’intérieur se pervertissant peu à peu.

Ses camarades de jeu sont également excellents : Fabrice Scott campe un Basil sincère et tourmenté très touchant, Olivier Breitman (qui reprenait ce soir-là avec beaucoup de talent à la Comédie des Champs-Elysées le rôle créé par Thomas Le Douarec) un Harry esthète, fougueusement cynique, Caroline Devismes (en alternance avec Lucile Marquis) une galerie de personnages féminins complexes, entre noirceur, beauté gracieuse et tourments tragiques.

A Paris ou à Avignon, ne manquez surtout pas cet été, cet envoûtant moment de théâtre, beau, sombre, diabolique de bout en bout.

Le Portrait de Dorian Gray
Adapté du roman d’Oscar Wilde par Thomas Le Douarec
Mise en scène de Thomas Le Douarec
 
Avec Arnaud Denis, Valentin de Carbonnières, Lucile Marquis, Caroline Devsmes, Fabrice Scott, Thomas Le Douarec, Maxime de Toledo et Olivier Breitman.
 
Comédie des Champs-Elysées
Du mardi au samedi à 20h30, matinée le samedi à 16h
Jusqu’au 31 juillet.
15, avenue Montaigne
75008   Paris
T : 01.53.23.99.19
 
&
Avignon OFF du 6 au 30 juillet, plus d’informations :
http://www.avignonleoff.com/programme/2016/par-titre/l/le-portrait-de-dorian-gray-18072/

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