François-Xavier Bellamy : la Philo sur les feux de la rampe

En 2013, l’agrégé de philo, essayiste et depuis 2019 député européen, François Xavier-Bellamy lançait les « Soirées de la Philo » de façon tout à fait confidentielle, à la demande de quelques étudiants. Depuis neuf ans, les salles se sont bien remplies et ses conférences ont pris domicile au théâtre et depuis cette saison au Théâtre Hébertot, dans une salle pleine à craquer. A la fin d’une heure trente de conférence, un exercice exigeant et épuisant, en février dernier, il a eu l’extrême gentillesse de m’accorder cet entretien.

François-Xavier Bellamy est né à Paris en 1985, fils d’un cadre et d’une enseignante en français. « J’ai grandi avec des livres et j’ai eu la chance de recevoir de ma famille une véritable curiosité intellectuelle. »

En terminale, il éprouve un vrai coup de foudre pour la philosophie. « J’ai été passionné par cette discipline que je ne connaissais pas et à la fin de l’année, je savais que je voulais enseigner la philo dans le secondaire à un public de non-spécialistes. »

Déterminé, ce passionné de philo fait ses classes préparatoires au Lycée Henri IV à Paris, intègre l’Ecole Normale Supérieure en 2005. En 2008, il est reçu à l’agrégation de philosophie de l’Université de Paris-Sorbonne. Il enseignera alors cette discipline durant onze ans.

« A présent, je suis député européen mais j’ai gardé, en quelque sorte, la casquette de prof de philo grâce à ces conférences. Statutairement, je ne pouvais pas continuer à enseigner à la fois en tant que fonctionnaire et parlementaire. »

 Mon but, c’est que sur une année de conférences, pour les participants, cela s’éclaire progressivement et que les sujets se répondent. 

Il était une fois « Les Soirées de la Philo »

L’association Philia, organisatrice de ces conférences, est née il y a dix ans. Ce sont des étudiants en médecine qui sont venus solliciter le jeune prof de philo : « Ces étudiants étaient très déterminés et j’ai accepté de faire un petit cours de philo pour leurs amis. On a commencé à cinq personnes (Rires) et de fil en aiguille, à la fin de l’année, la salle s’était remplie de 80 personnes, puis l’année suivante, de 300 personnes, qui ont migré vers le Théâtre de l’Œuvre puis le Théâtre Saint-Georges et à présent le Théâtre Hébertot. »

A travers ces conférences, il y a la volonté de construire l’année autour d’un cycle avec l’idée de toucher autant les personnes venant y assister une seule soirée que celles inscrites à l’année. Ces dernières toutefois profiteront d’autant mieux de cette cohérence que l’organisateur de ces soirées revendique. « Mon but, c’est que pour ces personnes, cela s’éclaire progressivement et que les sujets se répondent. Si on avait un intervenant différent à chaque fois, on ne pourrait pas jouer là-dessus. »

Sur le choix des sujets de ses conférences, Bellamy confesse en souriant : « Je m’inspire, bien souvent des questionnements de mon entourage et notamment durant mes vacances d’été. (Rires). Je pose alors ma fameuse question : “Quelle est la question qui te préoccupe le plus dans la vie ?“.* Les gens nous envoient leurs idées de thèmes et j’essaie de pétrir tout ça afin qu’on arrive à un programme qui ne soit pas trop répétitif ni redondant par rapport aux précédentes saisons. »

La philo durant le confinement

« Au début, se souvient Bellamy, le confinement a arrêté complètement le cycle des soirées. Mais assez vite, on a organisé des conférences en ligne. Et au moment des couvre-feux on a créé un format spécifique appelé “Découvre-feu“ qui proposait d’explorer un peu des thématiques de la vie quotidienne réapparaissant à la faveur du confinement comme la table, le sommeil… et sur lesquelles la philosophie a quelque chose à dire.

Quand les salles ont réouvert, l’association Philia a pâti comme de nombreux lieux culturels des contraintes des jauges réduites. « On perdait de l’argent à chaque soirée. Il faut rappeler ici que c’est une association à but non lucratif et que je fais cela bénévolement. Avec cette volonté farouche de renouer avec la philo et le travail de la pensée, on a pioché dans nos économies des années précédentes et on a fait en sorte que l’aventure se poursuive. »

Avant le confinement, Bellamy avait également créé un cycle consacré aux auteurs et qui a dû clore par la suite. « C’était pour moi une magnifique expérience que de passer une soirée avec un auteur (Une soirée avec Kant, Platon…). J’espère qu’on le refera et en attendant, on peut retrouver tous les épisodes en ligne ! »

François-Xavier Bellamy, crédits photo : Association Philia

 Sur la scène d’un théâtre, on joue. Mais dans la politique, je n’ai pas le sentiment de jouer. 

La philo au théâtre

C’est Frédéric Franck, ancien directeur du Théâtre de l’Œuvre qui propose le premier à Bellamy la scène de son théâtre pour ses conférences. « Il a joué un rôle très important dans ces soirées parce que c’est lui qui m’a dit qu’il fallait que je vienne dans un théâtre. Je ne me sentais pas du tout légitime pour ça, avec un vrai sentiment d’usurpation. Enseigner dans une salle de classe et occuper l’espace d’une scène de théâtre n’a vraiment rien à voir mais en même temps je ne prétends pas non plus être ce que je ne suis pas. Je ne suis pas là pour faire un one man show mais bien pour m’effacer derrière les auteurs, durant 1h30, rappeler parfois l’attention de mon public, faire en sorte qu’il s’amuse aussi un peu. Mais fondamentalement le but c’est de mettre sur scène ces auteurs que sont Platon, Schopenhauer… »

Au fil de cet entretien, Bellamy reconnaît cette émotion qui s’empare de lui quand il monte sur scène. Ce soir-là, sur la scène de l’Hébertot, il aura gratifié son public d’un extrait de Cyrano de Bergerac. « Mon éditeur m’a dit un jour après être venu, que c’était pendant les Soirées de la Philo que j’étais vraiment moi-même. »

Scène de théâtre et scène politique

Pour celui qui intervient au Parlement européen comme au Théâtre Hébertot, bien évidemment l’exercice de prise de parole autant que son ressenti change complètement. « Pour le coup, c’est complètement différent. Ici, au théâtre, c’est vraiment un espace de liberté, de respiration par rapport à l’actualité politique. Je pense que les gens viennent aussi chercher ça. Je suis certain que dans la salle, ce soir, il n’y a pas que des gens qui pensent la même chose que moi sur le plan politique. C’est ça aussi qui est assez beau. Mais l’exercice de la scène de théâtre et celui de la scène politique ont chacun leur noblesse. L’exercice de la scène politique requiert une vraie exigence formelle. Sur la scène d’un théâtre, on joue. Mais dans la politique, je n’ai pas le sentiment de jouer. »

La joie de philosopher

De son professeur de terminale, François-Xavier Bellamy retient surtout son extrême jubilation à enseigner la philo. « En fait, la philo n’est vraiment transmise que quand vous le vivez avec les gens qui sont là. C’est la propriété de la philo que de ne se vivre que dans le dialogue, d’une certaine manière depuis Platon. On ne philosophe pas seul dans sa chambre mais par définition avec les gens, en dialogue avec la raison d’autrui. Et l’enseignement est le lieu par excellence de l’activité philosophique. Ce prof avait cette qualité que de philosopher avec nous et il était manifestement heureux de ça. Et c’est ce que j’essaie de vivre et de transmettre aussi sur scène.

Pour tout savoir sur les Soirées de la philo, 

s’abonner, ses 9 saisons et ses podcasts, c’est par ici !

*Si vous souhaitez envoyer vos idées de questions 

pour les prochaines saisons, 

n’hésitez pas à les envoyer par mail  à cette adresse : contact@philia-asso.fr

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