Pinter en fête à l’Atelier

Quelle bonne idée que ce cycle spécial « Harold Pinter », en ce moment au Théâtre de l’Atelier ! L’Amant et La Collection d’Harold Pinter, dotées d’un casting 5 étoiles, se succèdent à 19h et 21h, mises en scène par Ludovic Lagarde, fidèle dans le moindre détail à l’humour grinçant et visionnaire du célèbre dramaturge britannique.

L’Amant : Dans le vertige de la toile d’araignée pinterienne

Valérie Dashwood et Laurent Poitrenaux au Théâtre de l'Atelier. Photographie de Pascal Gely / Hans Lucas

Valérie Dashwood et Laurent Poitrenaux au Théâtre de l’Atelier. Photographie de Pascal Gely / Hans Lucas

« Ton amant vient aujourd’hui ? », demande négligemment Richard à sa femme Sarah, en remettant le col de sa chemise, avant de partir à son bureau.

Ainsi démarre, l’air de rien, la pièce ultra corrosive de Pinter sur le couple et dont l’impact sur le public fonctionne toujours aussi bien, plus de soixante ans après sa création.

Sarah et Richard, un couple en apparence conventionnel et heureux, vivent dans une banlieue résidentielle à la campagne. Tout semble fonctionner si bien entre eux que la femme échange avec son mari en toute innocence sur la prochaine visite de son amant.

Qui est vraiment cet amant, ce mari, cette épouse ? A quel(s) jeu(x) se prêtent ce couple étonnamment sincère ? Et justement dans tout ça, derrière tant de sincérité affichée, où viennent alors se nicher le mensonge et la vérité ?

La mise en scène diaboliquement précise et rythmée de Ludovic Lagarde fait entendre le texte dans tout son vertigineux processus. Comme une araignée, il tisse consciencieusement sa toile pour mieux emprisonner ce couple (et donc le spectateur) dans ce décor froid et banal en apparence. En réalité, ce décor est élastique. Mentalement élastique. Les déplacements des personnages sont précis. Les accessoires ont aussi leur importance. Mais tout reste insaisissable.

Valérie Dashwood et Laurent Poitrenaud incarnent ce couple à la fois si prévisible et totalement inattendu, avec beaucoup de vérité, de précision et de malice, dans une belle écoute de l’autre à ici saluer. On ne voit pas le rideau tomber. Un vrai régal.

L’Amant – Jusqu’au 25 juin – Théâtre de l’Atelier – Mise en scène de Ludovic Lagarde – Avec Valérie Dashwood et Laurent Poitrenaux – Du mardi au samedi à 19h – le dimanche à 15h – Durée : 1h

Réservation : 01 46 06 49 24 – www.theatre-atelier.com

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La Collection : Un Pinter grinçant diablement réjouissant

Pièce fascinante et sombre, La Collection de Pinter distille le poison du mensonge. Sur le plateau du Théâtre de l’Atelier, les comédiens nous entraînent dans un dédale d’excentricité et de soif du plaisir, coûte que coûte, dans cette Angleterre encore corsetée des années 60.

Mathieu Amalric, Valérie Dashwood, Micha Lescot et Laurent Poitrenaux : un casting 5 étoiles pour nous raconter cette quête de vérité insatiable à laquelle répond ce goût du jeu, de la manipulation et du mensonge.

Que s’est-il vraiment passé durant cette fameuse nuit d’hôtel à Leeds entre Stella, styliste et Bill, créateur de mode ? James, le mari de Stella aimerait bien le savoir. Tout comme Harry, Pygmalion et compagnon de Bill, qui vit dans son très confortable appartement de Chelsea.

Ludovic Lagarde s’est servi du texte de Pinter dans toute sa richesse, grâce notamment à l’apport très précis de ses didascalies. Il faut dire qu’avant d’être une pièce, le texte a d’abord été celui d’un scénario de film (comme pour la pièce L’Amant). Lagarde se sert justement de l’identité très visuelle et rythmée de son intrigue de film noir, s’appuyant également sur la force vipérine de chaque réplique, ajustée comme des flèches.

L’humour grinçant du texte est parfaitement incarné par la troupe. Les personnages sortent progressivement de leurs coquilles pour révéler avec subtilité toutes leurs contradictions.

Ainsi le choc de l’univers de la bourgeoisie, incarnée avec une parfaite froideur (qui, toutefois, ne va pas tarder à fondre) par Laurent Poitrenaux et Valérie Dashwood, face à celui du milieu artistique londonien, au snobisme et au flegme à toute épreuve, incarné avec délice par Micha Lescot et Mathieu Amalric, forcément nous régale.

Mention spéciale à Micha Lescot qui propose une composition physique féline de son personnage, des plus réjouissantes.

La Collection – Jusqu’au 25 juin – Théâtre de l’Atelier – Mise en scène de Ludovic Lagarde – Avec Valérie Dashwood, Laurent Poitrenaux, Mathieu Amalric et Micha Lescot – Du mardi au samedi à 21h – le dimanche à 17h – Durée : 1h

Réservation : 01 46 06 49 24 – www.theatre-atelier.com

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