Dom Juan – Répétition en cours

Directeur du CADO à Orléans, Christophe Lidon invite ses spectateurs aux répétitions de l’une des plus fascinantes pièces de Molière, Dom Juan. La pièce a été créée ce mois-ci à Orléans et partira dans la foulée en tournée.

Après la période du COVID-19 qui a bouleversé notre société et notre rapport-même au spectacle vivant, Christophe Lidon a souhaité apporter au spectateur un nouveau regard, une nouvelle façon de vibrer au théâtre.

Et quoi de mieux qu’une pièce de Molière pour nous secouer et nous divertir en même temps. C’est ainsi qu’est née l’idée de mettre en scène la pièce à travers le prisme de la « répétition en cours » ou ce que les gens du théâtre appellent aussi « le filage », ce dernier moment avant que le spectacle n’appartienne complètement au public. Et que des partis pris de mise en scène, au fond, soient scellés.

Or mettre en scène un filage est une façon très ingénieuse de créer encore de la liberté d’expression et de scénographie dans la représentation. Une liberté factice puisque, bien sûr, les moments d’improvisations ont été écrites. Mais le metteur en scène crée ainsi une autre relation avec son public, en même temps qu’avec ses comédiens puisqu’il est lui-même en quelque sorte comédien, chef d’orchestre de cette « répétition » en cours.

Cela donne lieu à des moments d’hésitation de la part des comédiens, des propositions de jouer autrement la scène. On est plongé dans les affres d’un spectacle qui va se jouer peut-être avec l’absence d’un comédien, remplacé par l’assistante…

"Dom Juan - répétitions en cours"

« Dom Juan – répétitions en cours »

L’hypocrisie est un vice à la mode

Mais ce parti pris de raconter cette pièce autrement n’empêche pas que le texte soit joué et entendu, bien au contraire. Il facilite même sa compréhension.

Ainsi les comédiens jouent leurs rôles avec beaucoup de naturel et de fluidité, dans une scénographie bel et bien présente. Elle invite au rêve avec ses grands panneaux encadrant chaque acte. Les costumes sont là et en même temps, le plateau reste quasi vide pour créer le mouvement et stimuler notre imaginaire. La musique aussi participe à la magie des scènes, fidèle à l’atmosphère tour à tour comique et dramatique de la pièce, jusqu’à son dernier acte édifiant.

Dom Juan, personnage puissamment moderne, refuse jusqu’à la mort de croire en Dieu. Il est littéralement ce personnage « sans foi ni loi » qui fascine son valet Sganarelle autant qu’il le répugne. C’est un personnage « de vent », sans cesse en mouvement, sans cesse fuyant. Aristocrate, il ne respecte pourtant jamais la rigueur morale de sa caste. Il affiche une grande civilité, voire même un apparent code d’honneur, pour mieux s’éviter de l’embarras et de payer ses dettes.

Maxime d’Aboville incarne parfaitement ce « grand seigneur méchant homme », en cela qu’il arbore une vraie autorité et un charme naturel attendu par le haut rang social de son personnage, tout en révélant une « méchanceté », un cynisme sans fond. Molière, après le Tartuffe qui lui avait été interdit de jouer après seulement quelques représentations, poursuit ici son exploration de l’hypocrisie humaine.

Sganarelle est un être à la psychologie fascinante : il est à la fois secrètement admiratif de son maître et semble chercher à le copier, tout en étant aussi bien souvent dans la critique, même si sa couardise naturelle l’empêche de se rebeller pleinement de son maître. Il profite aussi des privilèges de son maître. Marc Citti est parfait dans ce personnage roué, joyeux et opportuniste, qui lui permet de déployer toute une palette d’émotions dans un rythme constant. Sur scène, Molière s’était réservé le rôle de Sganarelle et probablement parce que le personnage du serviteur en dit aussi beaucoup sur la société de son époque.

Christelle Reboul est une magnifique et souveraine Done Elvire, dans l’expression sincère et totale de ses sentiments bafoués. Autour de ces trois personnages principaux, il y a toute cette troupe de comédiens investis dans l’illustration du grand dessein de Molière qui est de « corriger les mœurs par le rire ».

C’est un spectacle, multi-facettes, inventif et généreux que nous offre ici Lidon et sa troupe, qui ne tardera pas, à l’image de celle de Molière, de prendre l’école buissonnière et exigeante à la fois de la tournée.

Dom Juan – répétition en cours

De Molière

Conçu, mis en scène et scénographié par Christophe Lidon

Avec Maxime d’Aboville, Marc Citti, Jean-Marie Galey, Valentine Galey, Grégory Gerreboo, 
Mathieu Métral, Rose Noël et Christelle Reboul.

Dates de tournée :

4 novembre - Monaco
17 novembre - Chaville
25 novembre - Le Chesnay
30 novembre - Boulogne Billancourt
7 décembre - Neuilly sur Seine
10 décembre - Maison Alfort
12 décembre - Pully, Suisse
10 janvier - La Ciotat
31 janvier - Saint Cloud

Réservation :
www.cado-orleans.fr
02 38 54 29 29
b.harnisch@cado-orleans.fr
Crédits photos : Cyrille Valroff

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