Critique cinéma: Samba

Intouchables nous avait tous bouleversés il y a maintenant (déjà !) trois ans à la fois par la très grande prise de risque du sujet (l’écriture sociale, la thématique du handicap) et la virtuosité de l’écriture tant humaine, que comique et par conséquent vectrice d’une rare émotion. Les réalisateurs d’Intouchables réitèrent l’exploit avec Samba et vont même un peu plus loin encore. Dans notre société française actuelle si clivée, ce colosse aux pieds d’argile, incarné par l’immense Omar Sy, sans-papiers au grand cœur, saura indubitablement toucher une fois de plus le public.

On rit même intérieurement à l’attention teintée d’inquiétude des distributeurs de Gaumont à l’écoute de ces spectateurs privilégiés que nous, blogueurs de cinéma, sommes ici soudainement, à la sortie de cette projo privée. Non, chers Messieurs de la Gaumont, ne doutez pas une seconde de ce très beau film que vous allez bientôt sortir !

Tout simplement parce que ce film traite d’un sujet fédérateur fort et bien mené jusqu’au bout. Le statut préoccupant mais volontiers oublié des sans-papiers en France est écrit ici de façon à la fois très documentée et très vivante aussi. Omar Sy incarne avec une incroyable justesse Samba, cet immigré sénégalais qui vit et travaille en France depuis dix ans dans une étouffante clandestinité.

Pour ce sans-papiers, chaque jour en France est un enfer : il faut apprendre à se noyer dans la foule des gens, ne pas emprunter les gares ou stations de métro trop fréquentées (car le risque y est plus grand de s’y faire arrêter). Comment s’engager sincèrement et profondément avec quelqu’un quand la précarité, le salaire misérable, l’objet-même du regard méprisant et quotidien de la société et les risques d’arrestation et de renvoi définitif au pays d’origine sont légion ?

Un cinéma qui remue mais aussi qui apaise et réconcilie

Face à ce point de départ dramatique dense (et un peu casse-gueule, il faut bien l’avouer !), Eric Tolédano et Olivier Nakache concoctent un récit d’une belle originalité et d’une rare émotion : l’humour est présent constamment, au cœur-même de scènes plus dramatiques.

Il y a aussi l’aspect d’épopée humaine autour d’un personnage moderne très représentatif mais méconnu de notre société qui renforce notre intérêt pour l’intrigue. Il n’y a jamais de baisse de régime dans cette comédie à la fois sociale et sentimentale. Les personnages secondaires sont aussi bien écrits que les personnages principaux : ils ne sont pas lisses ou caricaturaux non plus. Certains d’entre eux nous font rire comme le toujours épatant et solaire Tahar Rahim. D’autres, nous interpellent avec dignité (même si la colère sourde qui les gagne souvent est sur le point d’éclater), comme l’illustre le personnage de l’oncle de Samba (Youngar Fall), empêtré dans sa solitude et sa vie de vieil homme clandestin.

Enfin, il y a cette intrigue romantique sous-jacente qui telle une source souterraine grouillante finit par jaillir à la fin du film. Elle est incarnée par deux grands acteurs, Omar Sy et Charlotte Gainsbourg dont la présence réunie met du baume au cœur de chacun. Tous deux, souffrant de cette société qui leur a fait perdre maintes fois leurs identités respectives, se reconstruisent ensemble mais simplement, par petites touches. Et ce qui est beau, c’est que cette relation très forte prend du temps à se construire. Dans cette écriture à la fois profondément réaliste et étonnamment comique, vient se greffer une intrigue sentimentale proche parfois du conte de fées et qui fait du bien autant aux personnages qu’au spectateur.

Eric Tolédano et Olivier Nakache confirment avec Samba qu’un cinéma engagé peut aussi émouvoir et réconcilier. Et qu’il se doit d’être montré à un public le plus élargi possible.

Samba
Ecrit par Eric Tolédano et Olivier Nakache
Avec Omar Sy, Charlotte Gainsbourg, Tahar Rahim, Izia Higelin, Hélène Vincent, Youngar Fall…
Sortie en salles le 15 octobre.
Durée: 1h58

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