En ce moment au Théâtre Rive-Gauche, il faut se précipiter pour découvrir Francis Huster dans Le Joueur d’échecs. Dans un superbe seul en scène orchestré par le metteur en scène Steve Suissa, l’acteur nous entraîne dans l’univers labyrinthique de Stefan Zweig, chargé de drame, d’humour et d’émotion.

Dans Le Joueur d’échecs, le narrateur (Stefan Zweig lui-même) a fui la seconde guerre mondiale et pris le bateau pour l’Amérique du Sud. Il voyage en compagnie de sa femme Lotte (sujette à de dangereuses crises d’asthme) et rencontre deux étranges personnages autour d’une étonnante partie d’échecs. Il s’agit du champion du monde d’échecs, Czentovic, antipathique au possible et Monsieur B., un aristocrate viennois particulièrement raffiné.

Il faut préciser que la totalité de ce récit s’inscrit à quelques jours du propre suicide de Zweig et de sa compagne. Il est important d’insister sur la notion de « traversée », de « voyage » dans ce récit. Steve Suissa s’est justement servi de cet encadrement très dramatique et claustrophobe du récit dans son décor où l’ambiance de la vie dans un bateau est fortement concrétisée par le son (bruit de la mer,  musique lointaine des concerts) mais aussi par l’espace à travers ces hublots qui encadrent le plateau tour à tour cabine de Zweig, salle de jeux puis hôtel autrichien où le mystérieux Monsieur B, revit la torture que les Nazis lui infligèrent avant son départ précipité d’Autriche.

Un jeu tout en nuances

C’est justement toute la force de jeu de Francis Huster qu’il faut ici saluer. Toujours juste, il incarne à la fois plusieurs personnages, dialogue avec sa femme présente à travers un système ingénieux d’enregistrement au micro et qui nécessite de la part du comédien un travail permanent d’adaptation).

Il faut saluer aussi l’énergie du comédien et son engagement total au service de cette histoire à nombreux tiroirs. Qui est donc ce mystérieux Monsieur B, capable de nous entraîner dans les bas-fonds de la Gestapo et dans la tourmente d’un homme qui pour survivre humainement, se réfugie dans l’univers des échecs et sombre peu à peu dans la folie ?

Il s’agit de Zweig lui-même et dans ce dédoublement kafkaïen, le récit dramatique se renforce. Comme ce décor aux accessoires précisément disposés, le jeu de Francis Huster souligne avec précision les propos de Zweig comme de ses personnages. Ils sont également aussi teintés d’humour.

Le comédien semble au salut avoir tout donné, tout en ayant pris un réel plaisir sur le plateau. Les applaudissements et autres rappels, sont nombreux, chaleureux et mérités.