Critique théâtre: Les Vœux du Cœur

Un peu comme un bon vin, le temps agit bien après la dégustation, quand on repense quelques jours plus tard à la pièce de l’américain Bill C. Davis, à l’affiche en ce moment du Théâtre La Bruyère. C’est en confrontant le point de vue de ses quatre personnages originaux et sincères, que la pièce traite avec finesse et humour de la question de la place des homosexuels dans l’église catholique actuelle.

Un sujet « social d’actualité et bien-pensant » donc diablement ennuyeux, êtes-vous entrain de marmonner à la lecture de ces premières lignes… Que nenni ! La pièce est tout son contraire : originale par son approche, écrite avec beaucoup de tact, d’humour et d’émotion.

Eh oui, il s’agit bien ici d’une comédie (mais attention, pas d’amant dans le placard bondissant, pas de grosses ficelles, je vous rassure encore !) avec ses moments de rire (humour assez anglo-saxon, il faut bien le reconnaître) qui n’empêche pas l’émotion qui vous gagne, par petites touches, tout au long de la pièce.

Celle-ci est construite comme une succession de tableaux (très belle utilisation des décors à la fois graphiquement et de façon pragmatique aussi) où les rapides ellipses permettent les changements de décors de la part des comédiens.

Enlevée, la pièce dévoile peu à peu les enjeux dramatiques de chaque personnage : il y a Brian (Julien Alluguette, très juste) ce jeune homosexuel catholique, prêt à en découdre avec l’Eglise pour mieux défendre ses propres valeurs.

« A chaque instant, tout peut basculer »

Tom, interprété par Davy Sardou, ne partage pas totalement le point de vue de son compagnon et les mots très durs échangés lors de sa première confrontation avec le Père Raymond (Bruno Madinier, prêtre plus vrai que nature) vont complètement le chambouler et révéler toute son ambivalence face à cette situation inédite.

Le jeu de Davy Sardou est remarquable dans le sens où il nous entraîne dans les méandres psychologiques de Tom, sans jamais jouer d’effets, révélant avec finesse le combat intérieur mené par ce dernier, malgré son apparence délicieusement « pince-sans-rire ».

Il n’est, par ailleurs, pas le seul à voir son masque tomber. Le Père Raymond, en dépit de son apparent charisme et amour de la prêtrise, va lui-même connaître une sérieuse remise en question (mais ne dévoilons pas tout !). C’est un personnage de prêtre catholique qui ne sombre jamais dans le caricatural et c’est le fait de dévoiler, petit à petit, sa dimension humaine plutôt que sacerdotale qui nous touche ici.

Car les « vœux du cœur » sont impénétrables et c’est ce que va aussi expérimenter Irène (Julie Debazac, particulièrement émouvante), la sœur de Brian, personnage féminin finement écrit, moderne, et même assez surprenant dans sa façon de concevoir la maternité.

A chaque instant, tout peut basculer psychologiquement dans cette pièce et c’est ce qui permet de révéler l’efficacité de sa véritable structure dramatique sous-jacente et son dynamisme aussi.

La messe est dite et vous savez ce qu’il vous reste à faire…

Les Vœux du Cœur 
 
De Bill C. Davis
Adaptation française: Dominique Hollier
Mise en scène : Anne Bourgeois
Avec Julien Alluguette, Bruno Madinier, Davy Sardou et Julie Debazac
 
Théâtre La Bruyère, 5, rue La Bruyère, 75009 – M° Saint-Georges.
Du mardi au samedi à 21h, matinée samedi à 15h30.
Location: 01 48 74 76 99
www.theatrelabruyere.com 

 Crédits photo: LOT

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