Critique théâtre: WAR SWEET WAR

La canicule semble s’être soudainement abattue sur Lyon, renforçant le climat oppressant de War Sweet War, dans la belle salle des Célestins. Créé en 2012 à la Comédie de Caen par Jean Lambert-wild, ce spectacle est donné à voir du 2 au 6 juin 2015. Sur scène, deux décors se superposent, en même temps que le sort de deux couples, nous est raconté, à travers un langage essentiellement corporel. Intrigant et intense.

Bien entendu, la proposition de départ n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air. Il ne s’agit pas de deux couples, mais du miroir que ce théâtre tend à ce couple (et donc à nous-mêmes), dont le point de départ est ce sordide fait divers où des parents tuent leurs enfants avant de se donner eux-mêmes la mort. « L’état de guerre » a envahi jusqu’à la cellule familiale. Une violence intérieure devenue incontrôlable.

Et, ici, malgré le fait qu’il n’y ait pas de dialogue, on peut, bel et bien, parler de « théâtre » mais dans son sens fort, c’est-à-dire d’origine, qui met en scène la catharsis à l’état brut (cette violence intérieure et radicale dont nous parlions précédemment). Dans ce lieu de l’intimité familiale, saccagé par la Guerre et sa grande complice, la Mort, un langage particulier se développe, grâce à un travail de tous les instants, du corps, de l’espace et même de la musique qui va nous envelopper délicatement, grâce au travail « en live » de création et de sonorisation de Jean-Luc Therminarias.

LA GUERRE A LA MAISON

Magnifiquement chorégraphié, ce couple incarné par quatre danseurs, tous jumeaux, nous parlent de la vie, de la mort, du passé, de l’avenir. Quand le passé rejoint l’avenir, nous voici plongés dans le présent de l’acte et dans l’acte du présent.

Il y a ainsi un principe de narration qui donne à voir l’évolution du drame, dans le moindre de ses soubresauts. Le travail des danseurs (ici tout aussi interprètes que danseurs) est millimétré, respectant l’idée intéressante de ce double, de ce miroir, de cette gémellité de l’intrigue.

War Sweet War explore également la thématique du zombi, ce personnage mort mais encore empreint de vie. La souplesse et l’énergie cataleptique des danseurs est surprenante. Bien sûr, cette heure de « performance » est suffisamment intense pour nous entraîner dans cet univers où la notion de temps est quasi abolie.

Devant ce langage universel qu’est celui du corps employé par War Sweet War, pas étonnant que ce type de proposition intéresse un public international (il est question de prochaines représentations à New York)…

War Sweet War
Un spectacle de Jean Lambert wild, Stéphane Blanquet, Jean-Luc Therminarias et Juha Marsalo.
Du 2 au 6 juin 2015 au Théâtre des Célestins de Lyon
Avec Olga & Elena Budaeva, Pierre & Charles Pietri.

 

 

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