Entretien avec la comédienne Marie-Julie Baup

Sur les planches, Marie-Julie Baup est une vraie tornade. Qu’elle se produise aux côtés de son mari, Lorànt Deutsch (Amadeus, Le Songe d’Une Nuit d’été) ou sans ce dernier(On purge bébé/ Léonie est en avance), la comédienne espiègle est loin de passer inaperçue. C’est pourquoi Jérôme Savary l’a choisie pour interpréter aux côtés de Michel Galabru, l’amoureuse aventurière de Tartarin de Tarascon, le cadeau de Noël inédit, concocté spécialement par France 2 et distribué en direct le 27 décembre à 20h50 sur ladite chaîne.

Comment ça se passe sur le plateau de Tartarin en ce moment avec vos partenaires, quelles sont leurs spécificités à chacun ?

Chez Galabru, on ne peut pas parler de spécificités, on ne peut parler que de monument ! (rires) Arriver aux répétitions, ne rien faire et le regarder jouer pendant quatre heures, ça me conviendrait déjà parfaitement. Il est impressionnant de savoir-faire, d’expérience et d’invention.

On pourrait se dire qu’il a tout joué, que c’est facile, qu’il connaît les ficelles, etc. Et en fait, il a dans l’oeil le plaisir d’un enfant qui va commencer un nouveau jeu. Il est dans la recherche, dans l’amusement.

Je crois qu’il est très complice et admiratif de Jérôme Savary. Il est donc très en demande d’indications mais propose également beaucoup. Il est très riche de ça. C’est vrai que la plupart de mes scènes, je les passe avec lui. Je suis très amoureuse de lui dans la pièce. Même s’il est beaucoup plus âgé que moi, c’est un amour en réalité, qui n’est pas charnel. Ce sont deux fous de romans et de littérature qui s’imaginent dans des personnages mythologiques. Mon personnage voit celui de Tartarin comme Don Quichotte.

Elle a un petit côté Tartarin aussi alors…

Oui, elle a soif d’aventures, elle n’est pas dans le monde réel. Déjà, elle se retrouve à Tarascon alors qu’elle est anglaise et libraire. Et elle va suivre Tartarin en Algérie parce que soudain, c’est une vie qui s’offre à elle. Avec Galabru, on joue toujours des scènes de charme, dans la délicatesse, dans un rapport presqu’infantile.

Après avec Elie Semoun, ce n’est pas un mythe, il est vraiment drôle : en impro, même avec une phrase qui peut paraître lambda, elle devient tordante grâce à lui. Parce qu’il a le don de transformer les choses en « or drôle ».

Martin Lamotte, quant à lui, est extraordinaire de droiture et de drôlerie très efficace. Il a une petite partition mais qu’il rend très intéressante. Je suis absolument fanatique d’autres acteurs qui sont dans la pièce, notamment Ariane Pirie qui est démentielle. Elle joue plusieurs personnages dont l’Alsacienne (elle ne passera pas inaperçue, je vous préviens !), c’est aussi une chanteuse extraordinaire. Antonin Maurel aussi, qui a joué dans bon nombre de spectacles de Savary est comme ces acteurs anglais, qui savent vraiment très bien jouer, chanter, danser, être drôle en même temps.

C’est forcément un bonheur d’être avec eux parce que ce sont des milliards de propositions à la seconde. Et en même temps un grand professionalisme dans la folie. C’est ça qui est pour moi le propre de Savary. C’est complètement dingue et en même temps, c’est très détaillé, pro, cadré.

Votre personnage dans Tartarin a justement été inventé par Savary…

Dans le texte de Daudet, il n’y avait pas de véritable personnage féminin. Et pour éviter d’être mysogine, Jérôme Savary a inventé un petit personnage comme dans les BD des années 60 que l’on regardait quand on était au catéchisme, représenté de façon un peu colonialiste. Il y avait toujours des personnages de femmes avec des grands yeux, un peu à la Betty Boop, des personnages de cabaret et c’est un peu dans ce sens-là qu’il l’a inventé. Avec aussi l’univers de Tintin autour.

Quel souvenir gardez-vous de votre première rencontre au théâtre avec votre mari, Lorànt Deutsch ?

Ce qui est très drôle avec Lorànt, c’est qu’on a travaillé ensemble pendant trois ans avant d’être amoureux et amants (rires). On s’est rencontré à l’audition d’Amadeus. Il avait déjà le rôle d’Amadeus depuis bien longtemps puisqu’ils avaient monté la pièce sur son nom.

Je suis venue « inconnue au bataillon » pour passer l’audition de sa femme et le troisième tour était celui de la grande scène finale, où Mozart meurt et sa femme le prend dans ses bras, il pleure, etc.

Lorànt est arrivé avec une petite balle de jonglage, jouant au foot sur le plateau et moi j’étais morte de peur parce que je voulais absolument le rôle. Et dès cette première audition où il a lâché sa balle, pour venir me donner la réplique et être vraiment mourant dans mes bras ; il m’a permis d’avoir l’émotion qu’il fallait. Cela a été une vraie rencontre d’acteurs.

Quel regard d’actrice portez-vous sur le travail de votre mari ?

Je l’ai vu beaucoup évoluer en tant qu’acteur de théâtre. Je l’ai découvert dans Amadeus qui était sa première pièce importante. C’est marrant parce qu’au début, c’était un acteur très « scolaire » qui trouvait quelque chose tout de suite et qui le gardait sur beaucoup de représentations. Quand on joue un spectacle 300 fois avec un partenaire, c’est assez agréable d’avoir quelqu’un qui change un petit peu (rires). Et petit à petit, Lorànt est devenu un acteur qui ose se réinventer tous les soirs. C’est aussi quelqu’un d’extrêmement détendu, disponible et donc plus audacieux.

Quel a été chez vous le déclic pour devenir comédienne ?

J’ai toujours su que je voulais faire ça. Cela m’a pris en jouant La Cantatrice Chauve en sixième, en improvisant avec un cigare qui ne marchait pas. J’étais une enfant très timide. Et tout d’un coup, la scène m’a libérée de quelque chose : j’ai ressenti un plaisir inouï à être sur un plateau et à dire le texte de quelqu’un d’autre (et de pouvoir me planquer derrière, aussi).

J’ai fait énormément de théâtre au collège et au lycée et à dix-sept ans et demi, quand j’ai eu mon bac en poche, je suis partie d’abord au Cours Florent puis au cours Eva Saint-Paul.

Au bout d’un an et demi, j’ai tout de suite été engagée par Jean-Claude Penchenat qui dirigeait le centre d’art dramatique d’Arcueil et je suis rentrée dans sa troupe permanente. Je suis partie sur les routes avec lui pendant deux ans, ce qui était la meilleure formation possible pour moi. J’ai commencé à travailler très vite. A dix-neuf ans, j’étais déjà intermittente. Et depuis, j’ai toujours travaillé. J’ai eu des rôles chouettes aussi au cinéma, notamment avec Jean-Pierre Jeunet. J’ai fait de la télévision aussi. Mais concrêtement ma carrière se passe au théâtre et elle me rend très heureuse.

Arrêter complètement les planches me rendrait très malheureuse. Même si j’avoue que j’arrive à un moment de ma vie où l’idée de coucher mes petites filles le soir ne me déplairait pas… (rires)

Tartarin de Tarascon, mis en scène par Jérôme Savary sera diffusé en direct sur France 2 le 27 décembre à 20h50. Marie-Julie Baup est également en tournée avec le spectacle Le Songe d’une nuit d’été, mise en scène par Nicolas Briançon.

 

 

 

 

 

 

 

 

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