La délicieuse comédie romantique de Richard Curtis

« On pourrait opposer une autre théorie : celle du Grand Amour qui triomphe. » 4 mariages et un enterrement, Coup de foudre à Notting Hill, Love Actually, Yesterday… Richard Curtis connaît la chanson en matière de « britromcom » depuis à présent plusieurs décennies.
Il y insuffle son humour irrésistible, sa passion immodérée pour la musique british (rock et pop) et son sens de l’intrigue et du rythme comique à la virgule près. Un petit tour du propriétaire s’imposait.

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4 MARIAGES ET 1 ENTERREMENT : LA COMEDIE DE NON-MARIAGE

Ce qui fait la richesse de l’écriture de Richard Curtis dans sa façon de raconter une love-story à la sauce British, c’est qu’à chacun de ses films (4 mariages, Notting Hill, Love Actually…), il explore un nouveau format de récit.

Ici dans sa première « britromcom » (british romantic comedy), 4 Weddings and a Funeral, sortie en salles en 1994, il explore le format de la comédie dite de mariage et se l’approprie pour en faire une comédie « de non-mariage ».

Bien évidemment, Richard Curtis n’est pas l’inventeur du genre de la comédie dite « de mariage », avant lui, il y a Ménandre (342 – 292 avant JC), Shakespeare (notamment dans Beaucoup de bruit pour rien), Molière (qui revisite Plaute qui lui-même a revisité Ménandre !) dans Le Misanthrope.
Ted Sennett, dans son ouvrage Lunatic & lovers signale la naissance du genre au cinéma avec le film The Thin man en 1934.
Steve Carrell (dans l’ouvrage que je vous recommande vivement A la Recherche du bonheur, Hollywood et la comédie de remariage) explore le genre de la comédie romantique très en vogue dans les années 30 – 50 aux US. Il y est question de ré-unir le couple après une séparation. Cary Grant a créé par sa prestation hautement comique et romantique dans plusieurs de ces films le parfait archétype, qui, plus tard sera revisité par Hugh Grant.

En ce qui concerne la vision du mariage de Richard Curtis, elle épouse une vision très moderne de ce contrat social, car 4 mariages et un enterrement plus tard, il partage justement, sa propre vision du mariage à travers la non-demande officielle de Charles (Hugh Grant) à Carrie (Andie Mc Dowell). Pour Richard Curtis, le mariage n’est pas une fin en soi. Car ce n’est plus un élément important pour légitimer en quelque sorte le lien principal du couple, à savoir le lien amoureux.

Aussi fragile que précieux, l’Amour est à célébrer et non le mariage en lui-même, comme le rappelle le personnage d’Andie Mc Dowell, lors du troisième mariage : « Love is The Answer, and you know that for sure ».

Coup de foudre ˆ Notting Hill Notting Hill 1999 Real : Roger Michell Hugh Grant Julia Roberts COLLECTION CHRISTOPHEL

LE CONTE DE FÉES « COUP DE FOUDRE A NOTTING HILL« (1999)

« Il était une fois… », c’est ainsi qu’aurait pu débuter la seconde comédie romantique de Richard Curtis, sortie en salles en 1999. Car il s’agit bien ici de raconter un conte mais pas n’importe lequel : un conte de fées moderne. Durant les 1h30 du film, le spectateur doit croire à l’alliage de deux ingrédients du genre : la magie et la crédibilité de cette histoire actuelle.
La Princesse est une immense star de cinéma et ce sont les premières images du film qui nous le démontrent avec beaucoup de glamour. Face à elle, il y a le « berger » (les Anglais préfèrent parler de « bûcheron »), celui qui n’a rien ou presque, divorcé, libraire sans le sou, etc.

Toute la force de l’intrigue de Curtis va résider dans le fait de rendre ce fossé social finalement un « faux obstacle » car il s’agit ici de la rencontre de deux âmes sœurs qui débouchera sur un mariage et un heureux événement (désolée de spoiler) comme ce qu’on attend habituellement d’une fin de conte de fées : « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. »

Pour rendre ce conte de fées moderne crédible, Richard Curtis le fait évoluer dans un Londres à la fois quotidien et propice à la romance. Le Ritz est un lieu idéal pour permettre à ces deux univers sociaux diamétralement opposés de cohabiter. Mais au cœur de cette relecture de conte de fées très glamour et romantique, il y a la griffe « Curtis », c’est à dire son humour toujours inventif et surprenant.

Editorial use only. No book cover usage. Mandatory Credit: Photo by Moviestore/Shutterstock (1552995a) Bridget Jones's Diary, Renee Zellweger, Hugh Grant Film and Television

LE JOURNAL DE BRIDGET JONES (2001) – L’ADAPTATION ROMANESQUE

Le Journal de Bridget Jones d’Helen Fielding est d’abord paru sous la forme de chroniques dans un journal anglais, en 1995. L’histoire de la plus célèbre des « célibattantes » était elle-même inspirée du célèbre roman de Jane Austen, Orgueil et Préjugés.
Richard Curtis a co-écrit le scénario avec Helen Fielding et Andrew Davies, célèbre scénariste et adaptateur de la littérature britannique pour le cinéma et la télévision (on lui doit notamment l’adaptation mythique d’Orgueil et Préjugés en 1995 avec Colin Firth, tiens, tiens, dans le rôle de Darcy !).

Il fallait donc pour Richard Curtis conserver le format du journal de bord pour ne pas trahir l’intrigue principale et l’ironie pétillante de l’héroïne, insufflée par Fielding et Austen, chacune à leur façon. Et en même temps chercher aussi à s’en émanciper.

Les scènes purement « curtisiennes », c’est-à-dire inventées pour le film sont celles du discours de La Moto de Kafka, la séquence de la culotte géante et bien sûr la bagarre délirante entre Colin Firth et Hugh Grant à la presque fin du film.
Dans cette dernière, Curtis revisite le thème du duel jusque dans les dialogues : « Dois-je prendre mes pistolets de duel ou mon épée ? » demande ironiquement Daniel Cleaver (Hugh Grant).

Le scénario du film a accentué la relation triangulaire entre Bridget-Darcy-Cleaver donnant plus d’importance au personnage de Cleaver, interprété par Hugh Grant.

La dernière réplique pour réinventer le dénouement heureux du genre de la comédie romantique est du 100% Richard Curtis : « Bridget Jones : Wait a minute. Nice boys don’t kiss like that. Mark Darcy : Oh, yes, they fucking do. »

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LOVE ACTUALLY (2003)- LA COMÉDIE ROMANTIQUE « FEUX D’ARTIFICE »

Dès les premières images, filmées en caméra cachée dans un aéroport, ce dernier, dont ce film est sa première réalisation, annonce la couleur: L’Amour est partout… actually !
Et en effet, si l’on est attentif jusqu’au bout, tous les personnages de toutes ces minis love stories subtilement enchevêtrées, se retrouvent à l’aéroport pour mieux s’embrasser, bien sûr !

Cette fois-ci Richard Curtis a utilisé le format de la comédie chorale pour dépeindre l’amour sous toutes ses formes (partagé ou non, trahi ou révélé, endeuillé, adultérin, …). A travers une kyrielle de personnages comiques, romantiques voire même dramatiques comme celui d’Emma Thompson, dans le rôle de l’épouse bafouée, Richard Curtis place encore plus haut le curseur du genre de la comédie romantique à l’anglaise.

Beaucoup de scènes cultes en découlent : la danse de Hugh Grant, bien entendu, le personnage de Billy Nighy qui se met à poil sur scène, la demande en mariage de Colin Firth devant toute la communauté portugaise de Marseille à laquelle appartient sa chère et tendre, la déclaration d’amour platonique de l’amoureux secret de Keira Knightley et ses célèbres pancartes…

L’humour, l’émotion, le rythme et l’accompagnement musical so british font de cette comédie romantique un film de Noël incontournable pour se sentir bien, en famille, entre amis, avec son petit copain ou son petit paquet de popcorns (parfois la deuxième option peut se révéler meilleure). Christmas is all around you !

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ABOUT TIME (2013) – L’AMOUR QUI FAIT VOYAGER DANS LE TEMPS

About Time écrit, produit et réalisé par Richard Curtis raconte l’histoire de Tim Lake (Domhnall Gleeson), 21 ans, qui découvre qu’il a la capacité de voyager dans le temps. Son père (Bill Nighy, I love You !) lui apprend qu’il s’agit d’un don transmis de génération en génération et qu’il ne concerne que les hommes de la famille.

Tim n’a pas le droit de modifier l’histoire, il n’a que le pouvoir d’interférer le cours de sa propre existence. Il apprend également qu’il faut éviter de modifier le passé et l’histoire, mais plutôt essayer d’agir pour améliorer sa vie. Cela tombe bien, il cherche justement une nouvelle petite copine (… la radieuse Rachel McAdams) !

Cette fois-ci l’auteur de Quatre Mariages…, Notting Hill ou Love Actually, explore le format du voyage dans le temps pour changer de perspective sur l’amour, le temps et la famille.

C’est un peu la première fois dans son œuvre que Richard Curtis aborde la thématique de la famille. Auparavant, la famille de ses héros respectifs, c’était plutôt et surtout la bande de potes, la famille idéale en quelque sorte ! Dans ses interviews sur le film, Richard Curtis l’a admis, About time est probablement l’un de ses films les plus personnels.

Dans ce film, on relève deux filons très intéressants que Richard Curtis explore avec beaucoup de finesse : la façon de tisser très patiemment une histoire d’amour à la fois très simple et profonde, vécue au quotidien et au-delà-même du mariage (on a déjà vu que le mariage n’était pour Curtis qu’une étape sociale et un non-événement en soi) ; et en même temps, à travers ces nombreuses incursions dans le passé familial, de pouvoir profiter un maximum des êtres qui nous sont chers et parfois trop brusquement retirés de nos existences.

Ainsi, Richard Curtis traite aussi du thème du deuil d’un être cher (la thématique était aussi déjà abordée dans Quatre Mariages) mais aussi de sa façon très originale de le traverser pour mieux apprécier encore jour après jour la saveur de la vie.
 « Parce que chaque détail de la vie est important. »

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 YESTERDAY (2019) – L’HOMMAGE DELIRANT AUX BEATLES ET A L’AMOUR

Derrière la passion de Richard Curtis pour les Beatles et la façon dont il l’injecte dans son intrigue (la musique rythme à la perfection les scènes et apporte une autre lecture), il y a une comédie romantique plus profonde qu’il n’y paraît, fondée sur les frontières parfois mouvantes de l’amitié et de l’amour, la vocation artistique, l’opiniâtreté pour se faire entendre, le besoin inouï parfois de se faire aimer, l’acte de création, les ravages de la célébrité.

A propos de cette nouvelle exploration du Grand Amour, Richard Curtis explique : « L’idée ne vient pas de moi en fait. Elle vient de quelqu’un d’autre qui est venu vers moi et qui me l’a proposé afin que je la développe.
Et je me suis dit qu’il fallait absolument que j’écrive ce film parce que, toute ma vie, j’ai été obsédé par les Beatles. Donc ce qui m’a le plus inspiré, c’est mon amour pour les Beatles.
Ils sont mon groupe préféré depuis mes 7 ans. Je viens d’avoir 62 ans. Avec 10 de mes amis, on a passé ma soirée d’anniversaire à passer nos 30 chansons préférées des Beatles par ordre croissant jusqu’à « Here, There and Everwhere » (extrait de Revolver) qui a été n°1 de nos votes à notre grande surprise. (…)
Et quand vous avez cette idée de cet hommage aux Beatles, vous vous demandez : « Quelles autres histoires pourrais-je raconter ? » 
Et, finalement, le film parle de bien d’autres choses que des Beatles : il s’agit d’amour, de faire un choix entre travailler ou passer plus de temps avec ses proches. Parce que dans le film, Jack passe la majeure partie de son temps à faire en sorte que les gens l’aiment. »

Depuis 1993, Richard Curtis poursuit son exploration de l’Amour et de l’Humour british en partant d’abord de l’écriture de personnages savoureux, humains et attachants, eux-mêmes tous en quête d’amour et qui engendrent des situations complètement délirantes et romantiques à la fois.

« Ce sont avant tout des comédies romantiques », soulignait Hugh Grant en interview. On peut le croire, il connait lui-même bien le sujet !..

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