Les Chaussons rouges : incandescente expérience ciné

1947. La magie du cinéma n’a pas d’âge et la restauration de ce chef d’oeuvre en technicolor en est ici une nouvelle preuve. Dans ce récit flamboyant qui a pour décor les coulisses d’un ballet adapté d’un conte d’Andersen, la fiction n’empêche pas l’expérimentation de l’image, bien au contraire, nous offrant ici une vraie réflexion sur l’exigence de la vie artistique.

Les Chaussons rouges est souvent cité par les grands cinéastes comme un chef d’oeuvre incontournable, un trésor d’inspirations en tous genres.

« Les Chaussons rouges est le seul film à voir avant de mourir » assure ainsi Coppola. « Indéniablement le plus beau film en Technicolor. Une vision jamais égalée » précise Martin Scorsese.

Mais que se cache-t-il donc vraiment derrière cet apparent chef d’oeuvre ?

Tout simplement une alchimie rare, une combinaison parfaite entre la recherche esthétique d’un film (la séquence centrale du film de 17 minutes mettant en scène le ballet adapté du conte d’Andersen reste un vrai défi de cinéma du point de vue de la réalisation), son propos (sa réflexion souterraine sur l’exigence de l’art et la vie sans concession de l’artiste pour qui danser équivaut à respirer), le choix de ses décors (naturels et en studios) et surtout l’interprétation de cette intrigue par une célèbre ballerine (Moira Shearer) et un acteur autrichien (Anton Walbrok) plus mystérieux et charismatique que jamais.

L’art comme une entrée en religion

Au delà du plaisir glamour de circuler dans les coulisses de Covent Garden, de l’Opéra de Paris ou de celui de Monte-Carlo, Les Chaussons rouges propose une intrigue miroir où le récit transversal du conte d’Andersen sert finalement de parabole au récit principal.

L’héroïne du conte et celle du film ne font finalement plus qu’un lors du dénouement. Toutes d’eux ont fait le choix de la passion pour l’art, comme l’on rentrerait en religion.

C’est cet « appel » à vivre son art et renoncer aux bonheurs de la vie simple qui a probablement interpellé des générations d’artistes.

Sorte de Méphisto rappelant à l’héroïne qu’elle a signé avec le diable, le personnage de l’imprésario, interprété par Anton Walbrok nous touche par son paradoxe. Personnage antipahique, d’une extrême froideur, on ne peut s’empêcher d’apprécier à la fois sa progressive fragilité mise à nu, et son obstination farouche à ne croire qu’en son art.

La passion dévorante pour l’art est au coeur de cette romance qui n’a pas pris une ride. Ses réalisateurs britanniques Powell et Pressburger signeront d’autres oeuvres remarquées dans les années cinquante mais ce sont Les Chaussons rouges, au chromatisme incandescent, qui marqueront à jamais les esprits.

A noter que le film est actuellement projeté dans la salle du Champollion à Paris. Il est également sorti en DVD aux Editions Carlotta.

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