Théâtre : ce qui arrive et ce qu’on attend

Après le Vingtième Théâtre, c’est au Théâtre du Petit Montparnasse de reprendre cette nouvelle mise en scène de la pièce signée par Jean-Marie Besset, auteur aussi talentueux que prolixe. Datant de la fin des années quatre-vingt, cette pièce est ici dépoussiérée énergiquement par le jeune metteur en scène et interprète, Arnaud Denis qui se focalise sur les jeux de pouvoirs en tous genres avec beaucoup de mordant. Une nouvelle chance d’apprécier ce bel ouvrage !


Ce qui arrive et ce qu’on attend met avant tout l’Attente en scène, cet autre personnage qui occupe les esprits de tous les protagonistes. Et quel décor meilleur que celui d’un couloir d’administration pour illustrer l’absurdité et l’angoisse de cette attente ? Deux architectes sont ici sur la sellette pour défendre le premier projet de monument sur la lune.

La confrontation qui s’opère dès la première séquence est riche en moments de comédie orageuse : Philippe Derrien, le jeune architecte talentueux mais plein de questionnements se retrouve face à Robert Lebret, cet architecte vieillissant mais dont la rouerie est restée bien gaillarde.

Un jeu de chat et de souris qui ne va cesser de s’accroître entre chacun des personnages avec d’un côté ceux qui tirent les ficelles (la réjouissante Virginie Pradal et le décadent Arnaud Denis), et ceux qui restent à leur merci (Adrien Melin, le jeune architecte qui suscite d’emblée l’empathie, Blanche Leleu, son épouse qui navigue en eaux troubles ou bien encore Jean-Pierre Leroux qui incarne Lebret, ce savoureux arriviste).

« Don’t show your feelings, dear ! »

Mais autour de cette dichotomie fort juste de « ce qui arrive et ce qu’on attend », de ce jeu de pouvoir sans cesse en action, il y a un personnage véritablement en souffrance et qui prend tour à tour la position de l’oppresseur et de l’opprimé. Il s’agit de Jason Feyder (incarné avec beaucoup de justesse par Jonathan Max-Bernard) dont le personnage est digne de figurer dans l’univers tragique et clair-obscur de Dostoïevski.

Et dans ce clair-obscur des décors (en témoigne la présence vidéo de la lune) et des sentiments, le décor a d’autant plus d’importance qu’il sert à appuyer l’absurdité de ces rapports de jeux de pouvoir, le comique rythmé de certaines séquences, et l’émotion qui est sur le point d’éclore.

Arnaud Denis n’incarne pas par hasard ce personnage de dandy cynique à souhait : dans son interprétation comme dans sa mise en scène il s’inspire de l’univers british du « don’t show your feelings » qui se révèle particulièrement riche en moments comiques et désespérés, à la sauce pop, en s’attardant même sur ces petits gestes sensés nous donner une contenance.

Ce qui arrive et ce qu’on attend

De Jean-Marie Besset

Mise en scène d’Arnaud Denis

Avec Virginie Pradal, Arnaud Denis, Blanche Leleu, Adrien Melin, Jonathan Max-Bernard, Niels Adjiman

Reprise le 5 novembre

au Petit Montparnasse

Du mardi au samedi à 21h et le dimanche à 17h.

Durée: 1h30

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