Adrien Melin : « Plus je pratique ce métier, plus je l’aime ».

Adrien Melin a été formé au CNSAD (promo 2007). Au théâtre, il a travaillé avec Christophe Lidon, Alexis Michalik, Igor Mendjisky, Guillaume Severac, Daniel Colas, Thierry Harcourt, Jean Marie Besset et Rafael Spregelburd. On le retrouve régulièrement dans les courts métrages du collectif Les Parasites.
Il joue actuellement au Petit Montparnasse dans la pièce Elysée, mise en scène par Jean-Claude Idée, aux côtés de Christophe Barbier, Emmanuel Dechartre et Alexandra Ansidei. J’apprécie son jeu et son investissement dans chacun de ses rôles depuis notre premier entretien, en 2008, quand il jouait le jeune et fougueux Louis XIV dans Le Diable rouge face à Claude Rich et Geneviève Casile (et déjà Alexandra Ansidei !). 

270097760_984630875797412_3119690792221563516_nLe métier de comédien, c’est quelque chose dont tu rêvais ?
J’ai commencé le théâtre à l’âge de 8 ans. Avant d’être reçu au Conservatoire National, je n’avais jamais envisagé d’en faire mon métier. Le théâtre, c’était l’évasion totale, la liberté absolue, je n’imaginais pas du tout m’arrêter d’en faire. Mais en vivre, je n’y pensais même pas. Maintenant, avec le recul, je me dis que j’ai une chance incroyable.
Ta famille était-elle artiste ?
Ma famille c’était l’Education Nationale. Ma mère était institutrice, et mon père était prof de maths.
Comment t’est venue l’idée de pousser la porte d’une école de comédien ?
Quand je suis arrivé à Paris pour les études, le cours Florent était juste à côté de Jussieu. Je me suis inscrit en me disant que je pourrais suivre à la fois les cours en amphi et les cours d’art dramatique. Juste comme ça, pour voir ce que ça pourrait donner…
f-cc8-4e70728e01b19Depuis Le Diable rouge, où nous nous sommes rencontrés, ta perception du métier de comédien a t-elle évolué ?
Plus je pratique ce métier, plus je l’aime. Il faut être suffisamment immodeste pour prétendre monter sur scène en pleine lumière et suffisamment humble pour s’effacer derrière un texte et un personnage. J’aime jouer de longues séries de représentations, envisager l’exploitation d’un spectacle comme un voyage au long cours où chaque soir, on peut prendre sa revanche sur la représentation de la veille, chercher à l’améliorer, viser la perfection même si on sait qu’on ne l’atteindra pas.
Le Diable Rouge était ma première expérience professionnelle. J’ai compris que le métier d’acteur n’avait rien à voir avec l’école, où je me sentais bien, où je trouvais une forme de liberté et de sécurité. A l’extérieur, on est dépendant d’une production entière, ça peut parfois être compliqué. Le succès du Diable Rouge a été immédiat et j’ai vécu cette aventure avec légèreté et insouciance. Avec émerveillement aussi : donner la réplique à deux monstres sacrés Claude Rich et Geneviève Casile, jouer un rôle important dans un théâtre magnifique, un monument historique, devant des salles pleines : on peut imaginer débuts plus difficiles ! Mais ce n’est pas toujours aussi évident. J’ai appris à gérer ça.
Quelles ont été pour toi au théâtre les rencontres marquantes jusqu’à présent ? Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?
D’abord celles que j’ai faites à l’école. Christophe Garcia, mon professeur qui m’a préparé au au concours du Conservatoire. Il y a mes potes de promo aussi. Quand il m’arrive de retravailler avec eux, comme avec Igor Mendjisky dernièrement, j’ai l’impression qu’on se comprend parfaitement et qu’on parle le même langage.
Ensuite il y a eu des rencontres déterminantes comme Jean Marie Besset, qui m’a présenté tous ses amis ou encore Myriam de Colombi, qui m’a accordé une confiance telle que j’en suis à mon sixième spectacle dans les murs du théâtre Montparnasse.
J’aime l’idée qu’on puisse rebâtir chaque soir quelque chose de puissant tous ensemble, le temps de la représentation. 
Comment te prépares-tu à un rôle ? Peux-tu nous en décrire le processus avec un ou quelques exemples précis ?
Je commence par lire tous les rôles de la pièce à voix haute plusieurs fois. Je me fais d’abord une idée globale du personnage. Je m’interroge sur ses points de vue, ses attitudes, ses objectifs.
Mais ce qui est le plus excitant je trouve, c’est de réfléchir a son parcours. Pendant la pièce il va bouger, il va se transformer, son tempérament va changer. J’essaie de faire des choix radicaux pour marquer son évolution. S’il est possible par exemple que le personnage puisse paraître fade pendant un temps, son parcours, lui, ne doit pas l’être.
Mais la plupart du temps, tout est déjà là, il suffit de décrypter ce qu’à écrit l’auteur, rester fidèle à ce qu’il a voulu dire. J’essaie d’apprendre le texte de la manière la plus neutre possible pour pouvoir me laisser surprendre par ce qui adviendra en répétitions.
Et puis si c’est un personnage célèbre comme j’ai eu l’occasion de le faire avec Louis XIV, La Boétie, Edgar Hoover ou encore Jacques Chirac, je lis et je me documente.
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Pour Thomas Chagrin, tu es seul en scène et tu interagis de façon active avec le public. Que retiens-tu de cette expérience sur le plateau ?
C’était, comme tout ce qui est dangereux, une expérience très excitante. Je jouais en effet un personnage qui interpellait directement les spectateurs, leur balançait des vannes, les questionnait et les manipulait. J’essayais de créer entre nous un climat de confiance et il y avait toujours un espace dans lequel certaines personnes s’engouffraient pour me répondre et entamer la discussion. Ils se sentaient tout simplement libres de le faire, donc il me fallait être habile et réactif !
J’ai eu quelques sueurs froides. J’ai le souvenir de l’avoir joué à la prison de Villeneuve les Maguelonne devant des détenus, je n’étais pas du tout rassuré.
Et puis il y a eu un soir, au théâtre des Déchargeurs en plein mois d’août – le spectacle était programmé à 22h – où un spectateur perdu et légèrement alcoolisé avec qui j’avais un peu trop « fraterniser », est carrément monté sur scène et m’a dit en me serrant la main : « je me barre… c’est pas contre toi hein mais j’ai soif… » et il est sorti en claquant la porte.
Masques et Nez, c’est un spectacle d’impro et de masques très original. Peux-tu nous partager une anecdote sur un moment précis où tu as connu sur le plateau une situation difficile ou qui t’a mis en joie ?
Un jour, j’ai chanté La Mer de Charles Trenet, et j’y ai mis toutes mes tripes. Mon personnage, un chauffeur de taxi obèse avec sa grosse voix de basse devait lutter de tout son être pour atteindre des notes hyper aigus. C’était aussi pathétique que touchant. Le masque nous protège, c’est à la fois génial et dangereux. Je ne me suis jamais autant laissé piéger par mes propres émotions qu’avec ce morceau de bois collé au visage. Je crois que j’ai vraiment pleuré sous le masque ce jour là. Heureusement, pour le public c’est le personnage qui est ému, pas le comédien.
masques et nez
Que penses-tu du travail avec ton partenaire sur scène, la connexion que tu peux établir avec lui  ?
Je ne rêve pas d’être seul en scène, j’ai besoin d’être en troupe, en bande. J’aime l’idée qu’on puisse rebâtir chaque soir quelque chose de puissant tous ensemble, le temps de la représentation. Qu’on puisse se tirer mutuellement vers le haut.
Peux-tu nous parler aussi de la question de la reprise de rôle pour un comédien, le travail que cela nécessite ?
Tout le travail consiste à s’imprégner de ce qu’a fait le créateur du rôle, à se l’approprier et éventuellement à le développer pour toucher a quelque chose de plus personnel.
Tu as notamment fait une reprise de rôle avec Edmond. Peux-tu nous parler de ta collaboration en répétition avec Alexis Michalik ?
Edmond est un spectacle particulier, la mise en scène est tellement solide, calibrée, millimétrée que le travail de reprise de rôle est dans un premier temps principalement technique. Alexis laisse les comédiens prendre leur marque, de manière autonome, mais il sait très bien qu’il a créé une grosse machine qui va tous nous emporter avec elle. On sent immédiatement la confiance qu’il a placé en nous. On n’a pas envie de le décevoir. Il sait exactement ce qu’il veut, n’a jamais le moindre doute. En plus d’être un créateur talentueux, c’est un grand chef de troupe. Personnellement, je n’avais qu’un objectif : servir le spectacle et être à la hauteur des acteurs de la création que j’avais vu triompher pendant la première saison.
(Chirac) a un côté détestable certes mais il est sympa. C’est très amusant à jouer !
Adrien Melin et Christophe Barbier dans Elysée (2022). Crédits Photo : Fabienne Rappeneau

Adrien Melin et Christophe Barbier dans Elysée (2022). Crédits Photo : Fabienne Rappeneau

Des comédiens qui t’inspirent ?
J’aimerais avoir la présence de Niels Arestrup, l’extravagance de Michel Fau, la subtilité de Didier Sandre. Chez les comédiennes, je suis fasciné par Dominique Valadié, Dominique Reymond, Hélène Alexandridis, Charlotte Clamens, et Catherine Hiegel.
D’une manière générale, je vais au théâtre pour voir des interprètes. Je dois avouer que très souvent le talent d’un comédien ou d’une comédienne suffit à me rendre un spectacle digne d’intérêt.
As-tu un rituel avant d’entrer en scène ?
Un truc qui ressemble à des enchainements de Tai Chi. Mais qui n’en sont plus vraiment. De vieux restes des cours au Conservatoire. Ça suffit pour me détendre quand je suis trop tendu, ou me charger en énergie quand je ne le suis pas assez.
Un metteur en scène international avec qui tu souhaiterais travailler ?
Robert Lepage.
Tu joues en ce moment sur la scène du Petit Montparnasse, le personnage de Jacques Chirac, dans Elysée. Comment as-tu trouvé ta propre liberté de jeu dans la composition d’un personnage tel que Chirac ?
Aujourd’hui Chirac est adulé, il est cool, on vend des tee-shirts Chirac. Mais ça n’a pas toujours été le cas. Hervé Bentégeat, l’auteur de Elysée, a magnifiquement retranscrit le personnage, il lui fait dire des énormités avec panache et ça passe. Il fume, il boit, il mets des mains au cul. Il a un côté détestable certes mais il est sympa. C’est très amusant à jouer !
Ma liberté c’est de pouvoir appuyer un peu (mais pas trop) sur ce côté OSS 117, tout en tenant la ligne de l’animal politique, redoutablement habile et prêt à tout.
Adrien Melin joue actuellement au Petit Montparnasse 
dans la pièce Elyséemise en scène par Jean-Claude Idée, 
aux côtés de Christophe Barbier, Emmanuel Dechartre et Alexandra Ansidei. 
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