Rentrée théâtrale 2010 : L’Amant d’Harold Pinter, électriquement vôtre…

Harold Pinter n’a cessé de tricoter pour nous des univers aussi drôlissimes qu’angoissants. Sa pièce de 1962, L’Amant, n’échappe pas à la règle. Dans la salle Popesco du Théâtre Marigny, propice à l’intimité, Pierre Cassignard et Léa Drucker composent une partition du couple, entre rire et folie, plus que réjouissante.

Au cœur de ce surprenant brouillage des pistes, un couple. Qu’on a envie de croire bien ordinaire. En témoignent ces chaussons enfilés par pur réflexe chaque matin, le jus d’orange pressé englouti par Madame pendant que Monsieur se brosse les dents activement dans la salle de bain.

Et dix ans que cela dure, ce charmant ballet des pantoufles et jus d’orange le matin, cette réconfortante chorégraphie de la desserte roulante avec son cordial whisky, pour célébrer le retour de Monsieur, le soir.

Oui mais voilà, dans toute cette mécanique bien huilée, il se passe bel et bien quelque chose de surprenant l’après-midi et qui semble réjouir autant le mari que l’épouse : la visite de l’amant ! Car Pinter s’empresse de détourner les codes du genre de ce qui aurait pu être une adorable comédie de boulevard, ô combien prévisible.

Le couple, cet étrange kaléïdoscope…

Et si Pinter s’est régalé à tisser des conversations décalées, absurdes et imprévisibles, comme si chaque personnage poursuivait son monologue intérieur tout en répondant mécaniquement à son interlocuteur, Didier Long, l’ingénieux metteur en scène, continue de creuser le sillon : son couple ose toutes les métamorphoses, se prend au jeu des fantasmes les plus insensés, aiguillé par ce décor qui s’ouvre et se ferme comme un kaléïdoscope de plus en plus déroutant.

Une partition idéale, en somme, pour ces chevronnés du comique que sont Pierre Cassignard et Léa Drucker. Le premier explore les multiples facettes vitriolées de son personnage avec un sens du timing irréprochable. Léa Drucker, quant à elle, suit la piste du décalage coûte que coûte, du silence qui argumente et joue avec gourmandise de sa plastique de baby doll des sixties, qui électrise autant le public que son partenaire.

Il en résulte un spectacle profondément intense, insolite, audacieux. Le rideau tombe et le public, captivé, n’applaudit pas tout de suite. Encore ensorcelé…

L’Amant d’Harold Pinter

Mise en scène de Didier Long

Avec Pierre Cassignard, Léa Drucker, Jeoffrey Bourdenet

Salle Popesco, Théâtre Marigny.

Actuellement.

Photos: Droits réservés.

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