Critique cinéma: Aimer, boire et chanter

On se réjouissait d’assister à l’avant-première du « nouveau Resnais » et quelques jours avant, on apprend la mort de ce dernier. Le nouveau Resnais sera donc le dernier. Le jour de l’avant-première parisienne du film est aussi celui de l’enterrement de son réalisateur. Alain Resnais ne fait jamais les choses comme tout le monde…

Dans le cinéma, le service d’ordre est impressionnant. Il faut dire que même le président de la République et son premier ministre ont voulu communier une dernière fois auprès du cinéaste, de ses proches, ses amis, ses techniciens et ses fans. Et comme pour répondre de la meilleure des façons à ce dernier hommage, Resnais semble avoir créé le dernier plan de son film pour l’occasion.

Dans Aimer, boire et chanter ce qui frappe avant tout c’est la jubilation quasi enfantine avec laquelle le cinéaste a composé son film : l’intrigue de vaudeville volontairement téléphonée est le prétexte pour permettre à ses comédiens chevronnés de nous délecter de leur jeu à travers des dialogues décalés, un humour volontiers loufoque, dans des décors mi-réels mi-théâtraux (magnifiques créations, au passage).

Espiègle et délicieuse exploration de l’imaginaire

Sandrine Kiberlain qui rêvait d’intégrer un jour la « troupe » d’Alain Resnais ne déparait pas ici, bien au contraire. Comme Sabine Azéma ou Caroline Silhol, elle joue sa note avec beaucoup de justesse et d’espièglerie. André Dussollier joue un remarquable contre-emploi avec sa bonhommie habituelle, Michel Vuillermoz, à son habitude, nous régale dans sa façon de revisiter situations et dialogues un brin stéréotypés ; Hippolyte Girardot rend charmants les TOCS de son personnage comme ses crises de jalousie intempestives.

Tous ont trouvé à leur façon cette note fantaisiste, élégante, décalée qui tel un bon champagne nous divertit de façon délicieuse. Alain Resnais a cette force permanente de proposer un cadre de divertissement à chaque fois unique et recherché, avec un style, un langage, un jeu propre. C’est cette exploration de l’imaginaire qui est le fil conducteur de toute son œuvre, comme ce dernier le rappelait dans un entretien accordé au Monde, le 25 septembre 2012.*

« Je suis satisfait si les spectateurs comprennent qu’ils ne sont pas devant du cinéma vérité, qu’ils sont bien devant des acteurs, maquillés, qui ont appris leur texte, que je ne triche pas. Je n’essaye pas d’imiter la réalité. Si j’imite quelque chose, c’est l’imaginaire. Je serais content si l’on disait de mes films qu’ils sont des documentaires sur l’imaginaire. »

*Interview accordé à Isabelle Régnier, Le Monde, 25 septembre 2012

Aimer, boire et chanter d’Alain Resnais
Avec Sabine Azéma, Hippolyte Girardot, André Dussollier, Caroline Silhol, Michel Vuillermoz, Sandrine Kiberlain…
Sortie en salles le 26 mars 2014 

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