Critique cinéma: Mr Turner

Mike Leigh s’est saisi du sujet concernant les dernières années du célèbre peintre anglais Turner (1775-1851), comme un peintre se saisit d’une toile vierge et de ses meilleurs pinceaux, avec tout l’enthousiasme et l’expérience de son propre parcours d’artiste. Il en résulte un tableau vivant de l’intimité du peintre d’une véritable beauté visuelle et où l’interprétation fait mouche (Timothy Spall, Prix d’Interprétation masculine au dernier Festival de Cannes).

Tout d’abord, il faut bien l’avouer, on est ici frappé par le rythme très poussif du film. Mais très vite l’impressionnant travail de mise en scène et de photographie prend le pas sur l’ensemble. Il s’agit de rentrer ou non dans l’univers intime du peintre.

Nous avons décidé d’ouvrir la porte et ce tableau cinématographique de Turner que nous propose ici Mike Leigh vaut clairement le détour. La vie du peintre qui a pourtant beaucoup voyagé par le passé et produit un nombre incroyable d’oeuvres, est ici au fond assez peu mouvementée. C’est peut-être justement ce qui intéresse Mike Leigh.

Il parvient ainsi à montrer le statut d’un artiste reconnu (membre de la Royal Academy of Arts dès sa 23ème année, Turner enseigne aussi la peinture auprès de l’académie), qui toutefois vit de façon assez solitaire, uniquement entouré de son père qui jusqu’à sa mort lui servira d’assistant et de sa gouvernante qui le servira plus de quarante ans avec dévotion.

Le miroir de Mike Leigh

Mike Leigh filme donc les détails, la vie quotidienne, les différences de milieux sociaux, dans lesquels Turner navigue avec une certaine aisance. Et à propos de navigation, le film montre à plusieurs reprises l’attachement de Turner aux sujets de « marines » et comment il utilise son propre ressenti, attaché au mât d’un bateau sous la tempête pour saisir la violence et la beauté de la scène.

Avec ses voyages, ses sujet et ses nombreux pieds-de-nez vis-à-vis de l’Académie dont il fait pourtant partie, Turner est un avant-gardiste, à cheval sur deux siècles. Passionné par la modernité de son époque, il est fasciné par la nouvelle invention que représente le train mais aussi la photographie. Par petites touches, Mike Leigh insiste aussi sur ce qui tourmente personnellement le peintre (la folie de sa mère et son internement mais aussi son propre divorce et son refus de reconnaître en public ses propres enfants).

Au fond, à travers l’évocation de cette période de la vie de Turner, sorte de bilan de la vie d’un artiste âgé, n’est-ce pas une sorte de miroir que Mike Leigh se tend à lui-même, s’interrogeant en filigrane sur ses propres motivations de créateur ?

Mr Turner
Ecrit et réalisé par Mike Leigh
Sortie en salles le 3 décembre
Photos: Mr.Turner ©Simon Mein – Thin Man Films

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