Critique cinéma: Ouvert la nuit

Comme dans les nombreux films et spectacles qu’il a écrit, dirigé et interprété, Edouard Baer reprend les guêtres très chics du flamboyant Luigi, sorte de double défiguré de lui-même. Un jeu de miroirs qui se déroule dans les coulisses d’un théâtre parisien, puis de Paris lui-même, nouveau théâtre à explorer la nuit…

On n’a pas attendu le spectacle intitulé Miam miam ! pour connaître la cuisine made in Edouard Baer… En effet, ce dernier aime concocter des plats autant relevés que mixtes, mixés justement avec une pointe de « vérité pas bonne à entendre » et une bonne grosse poignée de fantaisie et poésie.

Luigi (Edouard Baer) a une nuit pour sauver son théâtre. Une nuit pour trouver un singe capable de monter sur les planches et récupérer l’estime de son metteur en scène japonais ; une nuit pour regagner la confiance de son équipe et le respect de sa meilleure amie (Audrey Tautou). Pour démontrer aussi à la jeune stagiaire de Sciences Po (Sabrina Ouazani), qu’il existe d’autres façons dans la vie d’appréhender les obstacles…

L’univers de son film (les coulisses d’un théâtre parisien, puis les déambulations parisiennes nocturnes), Edouard Baer le connaît bien. Il s’entoure à nouveau d’une troupe de joyeux lurons (ses fidèles amis comédiens) pour raconter l’histoire de ce type très entouré et au demeurant très seul. Malgré le ton joyeux de façade, il y a une sorte de photographie du théâtre parisien actuel qui me paraît très réaliste et assez dramatique (c’est l’aspect « vérité pas bonne à entendre » de ce nouveau plat concocté par Edouard). Le théâtre va mal, les amis, sachez-le !

Ouvert la nuit, un film écrit et réalisé par Edouard Baer. Avec Edouard Baer (Luigi), Audrey Tautou (Nawel), Sabrina Ouazani (Faîza), Jean-Michel Lahmi (Théo Sarapos), Lionel Abelanski (Lolo), Atmen Kelif (Kamel), Grégory Gadebois (Marcel), Christophe Meynet (Chris), Marie-Ange Casta (Clara Starck), Patrick Boschart (Monsieur Pat), Alka Balbir (Karine), Yoshi Oïda (Maître Dazaï), Kaori Ito (assistante Dazaï), Michèle Héry (Mireille, la costumière), Manu de Chauvigny (décorateur), Christine Murillo (Ingrid Pélissier) et Michel Galabru (Michel Galabru).Humour et fantaisie, oui mais intrigue, hélas, à la traîne…

Derrière les paillettes d’un grand théâtre parisien ici baptisé « Le Théâtre de l’Etoile », l’envers du décor n’a rien de glamour : le théâtre n’est pas seulement en crise économique (depuis deux mois les salaires de l’équipe du théâtre ont été gelés) mais ce qui est aussi une sorte de famille reconstituée ici vit une grave crise identitaire depuis que Luigi démissionne de toutes ses responsabilités.

A ce titre, le film montre très bien cet esprit de troupe, de famille qui lie tous ces corps de métiers du théâtre, qui travaillent chaque jour à 200% dévoués à leur cause. Les personnages féminins sont volontiers plus pragmatiques que les personnages masculins. Audrey Tautou, notamment, campe avec beaucoup de justesse, la collaboratrice de Luigi, qui a toujours su faire front pour ce dernier, son meilleur ami, mais dont ce soir-là, la coupe finit sérieusement par déborder. Derrière ce personnage de directeur de théâtre aussi flamboyant que Luigi, il y a tout ce petit bataillon de soldats totalement dévoués mais qui n’en peut plus aussi d’essuyer autant de pots cassés.

L’écriture de cette comédie est donc beaucoup plus sociale voire sociologique qu’il n’y paraît. Et Edouard Baer décloisonne géographiquement et socialement volontiers l’univers « Paris-bobo-chic » de son histoire en faisant se dérouler son « road movie » dans Paris comme dans sa proche banlieue ; avec ses financiers de l’ombre comme avec ses lumineux personnages de clochards parigots.

Soit. Mais à présent que le décor est planté, que la problématique est posée (résoudre les 1001 problèmes de Luigi), il ne se passe en fait plus grand-chose. Edouard Baer semble se laisser porter par le courant, sourire aux lèvres (et on aimerait dire aussi même si c’est inexact, fleur à la boutonnière). Il n’a pas le beau rôle avec ce personnage complètement autocentré, enfantin à outrance, et d’une mauvaise fois confondante. Un personnage de charmeur désespéré qui en devient un peu à la longue désespérant. Aussi parce qu’il ne semble pas vraiment se remettre en question malgré cet « essorage en règle » dont il est victime.

Ouvert la nuit, malgré son regard réaliste en même temps que faussement amusé sur le théâtre actuel, sous couvert d’être drôle et léger « coûte que coûte », nous laisse finalement un peu sur notre faim.

Mais pour vous faire votre propre avis, rendez-vous dans les salles le 11 janvier 2017 !

Ouvert la nuit

Un film d’Edouard Baer

Avec Edouard Baer, Sabrina Ouazani, Audrey Tautou…

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