Critique roman: Un si long chemin jusqu’à moi

Dans le premier roman de Fabienne Périneau, comédienne et dramaturge, Un si long chemin jusqu’à moi, il y a un volcan qui a un nom imprononçable et qui bloque le trafic aérien pendant plusieurs jours. Il y a aussi et surtout une relation conjugale toxique qui paralyse la jeune héroïne, Arielle, restauratrice de tableaux. La rencontre avec un bel Américain, Jack, d’une rare générosité, va peut-être enfin changer la donne…

J’ai rencontré Fabienne Périneau à l’occasion du Festival Le Paris des Femmes 2014 où sa pièce « Je ne serai plus jamais vieille » avait été primée. Elle avait alors été réécrite dans un format plus long et jouée quelques mois plus tard au Théâtre des Mathurins avec la merveilleuse Christine Citti, dans une mise en scène sobre mais efficace de Jean-Louis Martinelli.

Il y a bien sûr beaucoup de points communs entre cette pièce et ce roman. D’abord parce qu’il s’agit de raconter le calvaire et la renaissance vécus par une femme mariée à un pervers narcissique, qui réduit son épouse et physiquement et psychiquement à un état de cendres. Ensuite parce que le texte est surtout un véritable message d’espoir, racontant ce long mais nécessaire parcours psychologique pour retrouver cette liberté du corps et de l’âme, de ce moi profond, injustement bafoué.

On est ici particulièrement glacé par l’emprise de cet homme, Matthieu, sur son épouse, son égoïsme immonde, sa violence qui se traduit par les mots mais aussi par les gestes, la façon dont il a réussi à tisser sa toile tout autour de sa victime, l’empêchant de pratiquer son activité professionnelle (Arielle est une restauratrice de tableaux particulièrement passionnée par son art), la séparant progressivement de tous ses amis. Arielle, qui a perdu très récemment son frère jumeau, Daniel, un être si précieux dans sa vie en voie d’extinction, se trouve ainsi vivre totalement à la merci de Matthieu.

Une femme-coquelicot, fragile seulement en apparence

C’est donc le fameux volcan Eyjaföll qui éclate et en même temps, que l’existence alors figée d’Arielle. La rencontre avec un autre homme est comme un électro-choc.

L’écriture de Fabienne Périneau est particulièrement sobre et poignante tant la souffrance de son héroïne au début du livre est palpable: « Elle voudrait essuyer son cœur mais n’arrive pas à l’atteindre. » On éprouve immédiatement de l’empathie pour cette jeune femme victime d’un homme qui l’a patiemment coupée de tout (de sa famille, de son métier, de ses amis), ne la soutenant pas dans son deuil, et lui renvoyant constamment une image négative d’elle-même.

Face à ce personnage-bourreau, il y a Jack, cet autre facette masculine qui n’est pas aussi « toute blanche » qu’on serait tenter de le croire. Il y a aussi Daniel, ce troisième homme, invisible, dont le souvenir fait tant de bien et de mal à la fois à Arielle. La relation de cette dernière avec les hommes est complexe, comme l’est aussi son chemin vers sa propre libération.

Car comme la jeune femme dessinée sur la couverture de ce livre, Arielle est cette femme – coquelicot, fragile seulement en apparence et qui arbore la vie, porte du rouge, aime les steak-tartare et la peinture.

On se surprend à lire le livre quasi d’une traite. Et déjà le mot FIN apparaît. Sur une belle page blanche que l’héroïne va pouvoir écrire elle-même car une nouvelle vie commence enfin pour elle.

Un si long chemin jusqu'à moi.
(Lauréat du Prix Matmut 2016)

De Fabienne Périneau

Editions DENOËL

Prix: 18,90€

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