Critique théâtre: Démons

Du 9 septembre au 11 octobre prochain, le Théâtre du Rond-Point accueille un projet qui intrigue autant par son sujet, son auteur, son metteur en scène et son casting de choix. Au cœur du théâtre du suédois Lars Noren, il y a ce questionnement sur les perversions sexuelles dans le couple. Celui de Romain Duris et de Marina Foïs, confronté à celui d’Anaïs Demoustier et Gaspard Ulliel va exploser sous nos yeux d’une bien étrange façon…

Marcial Di Fonzo Bo est un metteur en scène « au service des comédiens », dans le sens où lui-même, comédien et reconnu à plusieurs reprises par les siens, explore les tréfonds de l’âme humaine par le jeu, dans le moindre détail. En cela, il s’entoure de comédiens singuliers (ceux de Démons sont avant tout des acteurs de cinéma) avec qui, justement, il va développer encore plus cette singularité.

Le choix de ces acteurs de cinéma (qui ont toutefois tous une première et riche expérience de théâtre) dans le projet s’explique aussi par le fait que Démons a également été adapté au cinéma par le même Di Fonzo Bo (le film sera diffusé le jeudi 2 octobre à 22h40 sur Arte).

Mais revenons au sujet de la pièce, l’enfer de la vie conjugale, poussé ici à son paroxysme par deux visions de couple au quotidien, qui le temps d’une soirée se rencontrent, s’observent, interfèrent et renvoient une image violente à l’autre. Pour Noren, la lutte des sexes dans le couple n’a pas d’issue. La perversion sexuelle est ici développée dans toute sa violence souterraine, dans son développement psychologique, ses méandres, ses nombreux « coups d’éclats », ses sursauts et ses répétitions.

« Un programme de machine à laver »

On relève ainsi dans l’intrigue comme dans les dialogues quelque chose de machinal qui glace autant qu’il peut être source d’humour. Les comédiens naviguent ainsi avec une aisance déconcertante dans cet univers mi-glaçant, mi-burlesque.

C’est peut-être justement ce caractère « machinal » du texte, cette écriture un peu froide, qui finit par lasser.

Mais on retient ici surtout le très beau travail des comédiens, cette note qu’ils conservent toujours juste, la singularité de leur personnage : celui de Katarina (Marina Foïs) tentant de s’émanciper de l’homme qu’elle aime avec un réel détachement et en même temps une réelle souffrance ; Frank (Romain Duris, éblouissant) ce personnage, quintessence  du charme, de l’humour,  de la violence et de la perversion, finissant par se blesser lui-même ; Jenna (Anaïs Demoustier, idéale girl’s next door pétillante), cette jeune mère souriante et épuisée par sa maternité renvoie au couple Duris/Foïs une image totalement incongrue de son propre couple avec Tomas (Gaspard Ulliel) .

Le personnage incarné par Gaspard Ulliel est peut-être au fond le plus inquiétant, parce qu’il incarne avec force ce jeune père de famille très banal, épuisé, enfermé par lui-même dans son propre enfer (travailler pour nourrir sa famille, dans une sorte de nuit éternelle) et qui se révèle imprévisible, impulsif, violent, profondément perdu malgré son masque de voisin, d’époux et de père « politiquement correct ».

Démons offre ainsi aux comédiens comme aux amateurs de leur travail d’exploration de l’âme humaine, une véritable palette d’émotions contradictoires et entremêlées, même si l’action dramatique se montre ici moins convaincante.

Comme une sorte de programme de machine à laver, avec l’idée d’un cycle à respecter, la vision du couple selon Noren essore les relations conjugales, les malmène pour mieux les « nettoyer à blanc ».

Démons
De Lars Noren
Mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo
Avec Anaïs Demoustier, Romain Duris, Marina Foïs, Gaspard Ulliel.
Du 9 septembre au 11 octobre
Théâtre du Rond-Point
www.theatredurondpoint.fr

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