Critique théâtre : Don Quichotte – Fêtes nocturnes – Château de Grignan

Pour célébrer leur 30ème édition, les Fêtes Nocturnes proposent jusqu’au 20 août d’enfourcher Rossinante avec son célèbre destrier Don Quichotte et son valeureux écuyer Sancho Panza. L’occasion ici, dans la superbe cour du château de Grignan de découvrir une vraie troupe, Les Dramaticules, crée il y a quatorze ans et emmenée de main de maître par Jérémie Le Louët.

Grignan, à quelques heures de la représentation est anormalement grise et frileuse pour un soir de juillet. Les organisateurs ont dû la veille annuler avec beaucoup de tristesse l’événement car à peine trois minutes de la représentation s’étaient écoulées qu’une trombe d’eaux s’était alors abattue sur les spectateurs.

Par chance, le soir de ma venue, le vent a chassé les nuages et le risque de pluie et j’ai pu me recroqueviller sous une épaisse couche de couvertures pour savourer les aventures rocambolesques de Don Quichotte, imaginées il y a plus de 400 ans par Cervantès.

Alonso Quijano a lu trop de romans de chevalerie. Fiévreux et fanatique, il change de nom et décide de se faire chevalier errant. Il part sur les routes accompagné de son fidèle écuyer Sancho Panza, ressassant son amour idéalisé pour la belle Dulcinée.

Il faut rappeler ici que Don Quichotte est avant tout un roman de 1500 pages. Jérémie Le Louët a choisi de l’adapter au théâtre, en s’interrogeant sur le matériau éminemment théâtral de ce récit. Avec sa compagnie, Les Dramaticules, il a choisi de mettre en abyme le spectacle dans le spectacle, comme peuvent en témoigner ces rails de tournage de film qui entourent le plateau.

« Une hyper-théâtralité riche et efficace »

Le prélude de la pièce débute avec une conférence de presse un peu ratée sur l’adaptation au cinéma de Don Quichotte. Petit clin d’œil à Terry Gilliam, qui comme de nombreux prédécesseurs, a souhaité adapter l’œuvre de Cervantès au cinéma, hélas sans succès (même si Terry Gilliam n’a pas dit son dernier mot puisqu’il entamera prochainement un nouveau tournage de son Don Quichotte). Une façon aussi de donner subrepticement ses propres raisons de s’approprier l’œuvre de Cervantès au théâtre.

La langue de Cervantès est profondément baroque ce qui permet à Le Louët et à sa troupe de jouer en permanence le second degré et une sorte d’hyper-théâtralité. Dominique Massat qui incarne Dulcinée et plusieurs autres personnages féminins dans l’histoire, est un bon exemple de ce jeu comique efficace développé par la troupe. Elle a la présence et la voix de ces héroïnes mises en scène par Jean Vilar et en même temps, elle tire constamment à profit le comique de la situation. Ses moments de monologue, bien insérés dans le décor-même du château de Grignan, sont particulièrement savoureux.

Car la façade Renaissance du château de Grignan joue ici également un rôle important. Et ce n’est pas uniquement lié à l’intrigue de Cervantès où il est également question d’un château. Le château et sa cour enferment idéalement l’univers réel et fantasmé de ce héros « à la Triste Figure ».

Les accessoires et la musique participent à la mise en place cet univers grotesque et sublime. De sorte que les deux heures de ce spectacle filent sans que l’on ne s’en rende compte vraiment. Un bel hommage au théâtre, par le biais de ce célèbre anti-héros…

Don Quichotte
De Cervantès
Adaptation et mise en scène de Jérémie Le Louët
Avec Julien Buchy, Anthony Courret, Jonathan Frajenberg, Jérémie Le Louët, David Maison et Dominique Massat.
Compagnie Les Dramaticules
Du 24 juin au 20 août, au château de Grignan, à l’occasion des Fêtes Nocturnes
Plus d’informations :
chateaux-ladrome.fr / 04 75 91 83 65
 
Don Quichotte sera repris au Théâtre 13/Seine à Paris du 8 septembre au 9 octobre 2016, du mardi au samedi à 20h, relâche le lundi.
Plus d’information: www.theatre13.com
 
PS: Un grand merci à l’équipe des Châteaux de la Drôme et à Pascal Zelcer pour leur accueil si chaleureux.

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