Critique théâtre – Les Jumeaux vénitiens au Théâtre Hébertot

Jean-Louis Benoît, féru de Goldoni, s’attaque sur les planches du Théâtre Hébertot à une œuvre de jeunesse du grand maître italien. Une mise en scène minutieuse et passionnée qui donne la part belle à cette comédie bouillonnante et à ses acteurs remarquablement justes dans chacun de leurs rôles. Et dans celui des fameux jumeaux, un Maxime d’Aboville plus ébouriffant que jamais !

Il est bien sûr question d’amour, de mariage (pas toujours voulu), de duels, d’arrestation, de retrouvailles, comme toute comédie de Goldoni qui se respecte. Mais au cœur de tout ça, il y a la gémellité qui interroge. Deux frères, Zanetto et Tonino, élevés chacun séparément, depuis leur tendre enfance. L’un à la montagne, l’autre à Venise. L’un n’est pas vraiment malin, l’autre est un habile homme.

L’auteur comme le spectateur sait que tous ces quiproquos, liés autour de ces deux mariages en préparation, viennent de la gémellité des deux héros. Mais ce n’est pas le cas des intéressés et des autres personnages de la pièce !

Pour faire se déployer le rire et l’émotion, Jean-Louis Benoit ouvre son espace de jeu au maximum grâce au travail ingénieux de Jean Haas qui rend les scènes d’intérieur comme d’extérieur, facilement alternables, comme les scènes de ville, nombreuses dans le récit et symbolisées autour d’une place à l’italienne classique, symbole de la vie sociale de l’époque.

Les Jumeaux Vénitiens 15 par Bernard Richebé

Deux grands Maxime d’Aboville pour le prix d’un !

Au fond pourquoi mettre en scène l’Autre sur scène ? Ce double de soi qui est vécu par chacun comme une source de mal être. Bien sûr que c’est d’abord un prodigieux ressort comique pour l’intrigue ! Mais que souhaite démontrer Goldoni avec ses deux miroirs si ressemblants et si dissemblables à la fois de la fraternité ? L’écriture de Goldoni les rend tous deux finalement attachants et les divers rebondissements en surprendront plus d’un.

Maxime d’Aboville les incarne tour à tour, tous les deux avec fougue, sincérité et un plaisir palpable, malgré cet immense challenge du texte à apprendre et faire sien. Il ne tombe jamais dans l’écueil de la caricature. Ses jumeaux sont des hommes dont on peut aisément ressentir les joies comme les tourments intimes, grâce parfois, à un seul éclat de regards ou à une intonation.

La vie sociale de ces deux frères est également construite en jeu de miroirs : alors que l’un aspire à se marier de façon classique, auprès d’une famille bourgeoise ; l’autre s’en affranchit, guidé par son cœur et son esprit. Dans la famille bourgeoise italienne, on retrouve des personnages inspirés des comédies de Molière. Pancrace, notamment, incarné par Olivier Sitruk, n’est pas sans nous faire penser à Tartuffe.

Les femmes, tout milieu social confondu, de cette pièce aspirent autant à l’amour avec un grand A qu’à leur propre émancipation. En cela, elles sont très modernes et très touchantes aussi. Goldoni leur donne aussi la parole. Victoire Bélézy et Margaux Van Den Plas incarnent avec beaucoup de justesse et de fraîcheur ces deux femmes éperdues. Tandis qu’Agnès Pontier vient apporter son point de vue de Colombine, digne héritage de la sagesse populaire.

On s’amuse des noms des personnages, clins d’œil de Goldoni à la commedia dell’arte dont il parvient ici à s’affranchir ; on est tout ébaubi aussi face à la magnificence des décors et des costumes. Du bel ouvrage de théâtre classique qui vibre de l’intérieur grâce à ce travail minutieux et enthousiaste de troupe. Viva il teatro !

Les Jumeaux Vénitiens 

Une pièce de Carlo Goldoni

Adaptation et mise scène Jean-Louis Benoît

Avec Maxime d’Aboville – Olivier Sitruk – Victoire Bélézy 
Philippe Berodot – Adrien Gamba-Gontard – Benjamin Jungers
Thibault Lacroix – Agnès Pontier – Luc Tremblais
Margaux Van Den Plas

Décors Jean Haas
Lumières Joël Hourbeigt
Costumes Frédéric Olivier
Collaboration artistique Laurent Delvert

À partir du 14 septembre 2017

Du mardi au samedi à 21h
Samedi 16h30 et dimanche 16h00
Durée : 1h50

Location: 01 43 87 23 23
http://theatrehebertot.com

Crédits photo: Bernard Richebé

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