Critique théâtre : L’Heureux stratagème

Pièce injustement méconnue de Marivaux, L’Heureux stratagème se joue en ce moment dans ce bel écrin qu’est le Théâtre Edouard VII. La judicieuse mise en scène de Ladislas Chollat permet que cette intrigue, déplacée dans les années folles, nous parle avec encore plus de résonance, tout en ravissant nos yeux et nos oreilles. Entouré d’une troupe survoltée, le duo Sylvie Testud – Eric Elmosnino fait plus que des étincelles.

Marivaux, l’un des auteurs les plus joués à la Comédie Française, était célèbre dès son époque pour la sophistication de ses intrigues, de ses portraits mais aussi de sa langue. On le comparait souvent à La Bruyère pour l’acuité de son regard posé sur ses contemporains.

Ici, il est question, en France, à l’époque des années folles, où la femme progressivement se libère, d’une comtesse (Sylvie Testud) éprise subitement d’un beau gascon (Jérôme Robart) et d’une marquise (Suzanne Clément), désespérée, qui souhaite rétablir la situation avec la complicité de Dorante (Eric Elmosnino), le fiancé de la comtesse, injustement délaissé par cette dernière.

Dans ses beaux atours de femme mondaine des années 20, Sylvie Testud, tout en sophistication, défend bec et ongles son personnage de comtesse manipulatrice, soudainement piégée à son tour. Le parcours psychologique de son alter ego, incarné tout en finesse par Eric Elmosnino, est inversé mais non moins intéressant. L’élégante froideur de cet aristocrate ne tarde pas à fondre face à la tempétueuse urgence de la situation.

Un vrai bonheur !

Autour de ce couple qui semble ne jamais pouvoir se former, il y a deux personnages étonnants : le chevalier Damis, ce gascon au langage autant qu’à l’attitude colorée (Jérôme Robard est magnifique !) et cette marquise, qui, bien que délaissée par son amant, garde la tête froide. Suzanne Clément est superbe dans sa composition de maîtresse-femme, tentant de conserver toujours le contrôle d’elle-même, en toute situation.

Les domestiques, dans la tradition de la commedia dell’arte, chère à Marivaux, mettent également de leur grain de sel à l’intrigue. Ainsi les personnages secondaires sont campés avec autant de présence, d’humour et de verve par Simon Thomas, Roxane Duran, Florent Hill et Jean-Yves Roan.

Ladislas Chollat, par son travail toujours juste de metteur en scène, a permis de rendre le texte de Marivaux, aussi accessible, riche et rythmé que possible. Il a choisi des décors dignes de Gatsby le Magnifique pour raconter son histoire, permettant aux comédiens par des jeux de miroirs et de passerelles, de se mouvoir plus librement tout au long de l’intrigue, la simplifiant ou la densifiant à loisir, dans des costumes de Jean-Daniel Vuillermoz qui charment nos yeux.

Dans cette pièce où la femme tient un rôle si important, il est bon de réentendre la richesse de ce texte si facétieux et cruel à la fois. Un spectacle rondement mené qui nous fait vibrer au diapason avec les comédiens. Un vrai bonheur !

L’Heureux stratagème

De Marivaux

Mise en scène de Ladislas Chollat

Avec Sylvie Testud, Eric Elmosnino, Suzanne Clément, Jérôme Robart, 
Jean-Yves Roan, Simon Thomas, Roxane Duran, Florent Hill…
Photo de Bernard Richebé avec Jérôme Robart et Sylvie Testud
Théâtre Edouard VII

Loc : 01 47 42 59 92 / www.theatreedouard7.com


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