Entretien avec le comédien Guillaume Beyeler

A 27 ans, Guillaume Beyeler joue en ce moment au Théâtre Rive Gauche aux côtés d’Anouchka Delon, Julien Dereims et Nathalie Roussel dans la comédie de Léonard Gershe, Libres sont les papillons qui connaît un beau succès tant auprès de la critique que du public. Il s’agit de son premier projet professionnel au théâtre depuis sa sortie de l’école du Studio d’Asnières. Une fraîcheur de jeu qui n’empêche pas une vraie lucidité sur le métier. Nous l’avons rencontré pour tout savoir sur cette belle aventure de Libres sont les papillons qu’il vit actuellement.

C’est au Cours Simon que vous avez rencontré Anouchka Delon et Julien Dereims ?

Quand je suis rentré au Cours Simon, Julien était déjà en cours, je l’ai donc connu en premier. Puis Anouchka est arrivée et je me suis immédiatement bien entendu avec elle parce que c’est une jeune femme d’une grande douceur mêlée à de la force, de la bonté et de la simplicité; elle est très délicate et n’a peut-être même pas conscience de toute cette richesse qu’elle a en elle. C’est devenu une amie ainsi que Julien.

Comment s’est fait le choix de la pièce et comment êtes-vous arrivé sur le projet ?

Le professeur d’Anouchka et de Julien au Cours Simon, qui fût aussi le mien, leur avait parlé de la pièce, il y a un an et demi. Ils l’ont lu et beaucoup apprécié. Ils ont alors décidé d’en parler à Jean-Luc Moreau avec qui Anouchka avait déjà travaillé (sur la pièce Une journée ordinaire, ndlr). Jean-Luc Moreau a dit oui. Ils ont alors sollicité Éric-Emmanuel Schmitt qui a adapté la pièce. Et une fois que la pièce a été adaptée et que le projet a pris forme au Théâtre Rive Gauche, Anouchka m’a contacté. N’oublions pas Julien, qui est le premier des deux à avoir pensé à moi.

Je m’en souviens, c’était drôle. Je sortais du métro. Anouchka m’appelle, me demande : « Guillaume, comment vas-tu ? – Je ne m’attendais alors à rien ou à un « on se prend un café bientôt ! » Et là, elle ajoute, « J’ai Jean-Luc Moreau à côté de moi qui monte une pièce en janvier, tu serais intéressé ? » – Eh bien, comment te dire ?… (rires). Oui, pourquoi pas ! » Et soudain, elle me passe Jean-Luc au téléphone qui me dit : « Alors, tu es libre quand ? »…

J’ai vu ensuite Jean-Luc Moreau dans un café, dans une ambiance très détendue. On a discuté un petit peu de tout et de rien. Puis, il y a eu la lecture de la pièce avec l’équipe en novembre dernier sur le plateau du Rive Gauche. Je vais à cette lecture un peu stressé. Il y avait tout le théâtre qui était là. Je ne m’attendais pas à autant de monde. La costumière commence à prendre mes mesures. Je me dis : « Est-ce qu’il n’est pas un peu trop tôt ? » La lecture se passe bien et Jean-Luc me dit à la fin « C’était très bien ». Bref, c’est comme ça que je me suis trouvé là…

Comment se sont passées les répétitions ?

On a commencé un travail de lecture à la table à la mi-novembre pour bien dégrossir le texte. Là encore, Eric-Emmanuel Schmitt a été d’une grande intelligence, en acceptant qu’on fasse quelques modifications par rapport à son adaptation. Il nous a laissé « carte blanche » sur le texte (même si on n’a pas non plus bouleversé grand-chose !). On en revient donc toujours à cette bienveillance qui caractérise cette équipe. Le travail à la table est une étape très importante à mes yeux. Elle donne l’occasion à tout le monde de percevoir toutes les subtilités d’un texte à côté desquelles on peu passer en se jetant tête baissée dans l’interprétation. Beaucoup de questions trouvent leur réponse à ce moment là. C’est aussi un temps où l’on apprend à se connaitre et à partager sa perception de la pièce, des personnages. J’ai été très touché par la place qui m’a été donnée par toute l’équipe dès cette période, moi qui n’ai pas un rôle principale, j’avais mon mot à dire.

Les répétitions, quant à elles, ont duré un mois et demi et  se sont très bien passées. Bien que je n’étais pas présent à toutes les répétitions, ce qui m’a impressionné, c’est que je n’ai jamais vu Jean-Luc s’énerver, s’inquiéter. Il était toujours d’un calme et d’une sérénité propices au travail. Dans un vrai accompagnement, une vraie bienveillance.

Vous avez pu discuter avec lui du personnage ? Quelle a été votre relation de travail ?

Excellente! Comme je le disais, Jean-Luc est quelqu’un de très rassurant et généreux dans le travail, ce qui laisse la place à l’échange et à la réflexion, chose très appréciable. Donc, oui, j’ai pu discuter avec lui du personnage quand j’en ressentais le besoin mais il est suffisamment précis et sensible dans sa manière de diriger pour que ce besoin ne soit pas envahissant ni pour lui, en tout cas je l’espère (rires), ni pour moi.

Ceci étant dit, je pense qu’il y a aussi des choses qu’il faut garder pour soi, le metteur en scène voit bien ce que le comédien propose, il y a donc une partie du travail qui doit se faire avec soi même. Je parle de la recherche, des appuis à trouver pour nourrir un personnage. Si le résultat n’est pas celui attendu par le metteur en scène, il le dira et on recommencera. C’est la partie la plus riche du travail de comédien: l’espace de découverte, de propositions, de questionnement, de mise en danger. C’est aussi la plus difficile, surtout pour un jeune acteur. J’ai beau parlé de ça, c’est plus facile à dire qu’à faire! Le lâcher-prise n’est pas évident lorsqu’on se retrouve devant un metteur en scène, surtout lorsque celui-ci est aussi réputé que Jean-Luc Moreau, que c’est votre première pièce et que tout ça se fait au théâtre Rive Gauche! J’étais très stressé et intimidé au début!

Parlons un peu du personnage d’Augustin que vous incarnez et qui n’est pas vraiment attachant, on peut le dire…

Il y a un côté très jouissif à le jouer. Mais ce qui est difficile avec ce genre de personnage, c’est de ne pas tomber dans la caricature. C’est un personnage qui est très éloigné de moi. Quand un personnage est très éloigné de soi, il y a deux possibilités : soit, on se fait une idée du personnage et on imite l’image qu’on a de ce personnage, soit au contraire, on se dit « comme il ne me ressemble pas du tout, je peux vraiment aller dans le lâcher-prise et être moi-même sur scène tout en étant un autre ». Dans ce deuxième cas, ça devient très agréable, même drôle, car on peut se laisser aller à exprimer des choses qu’on ne s’autorise pas, ou qu’on ne veut pas faire dans la vie. Un des intérêts majeur du métier de comédien!

Ce qui est dangereux avec Augustin c’est que son intervention est comique. Très souvent ce qui est drôle pour le public c’est justement ce qui ne l’est pas pour les personnages. Jean-Luc nous a un jour dit: « la différence entre le drame et le mélodrame, c’est la complaisance », c’est aussi ce qui fait la différence entre ce qui est drôle et ce qui ne l’est pas. Je m’efforce donc de le jouer en entrant en scène sans vouloir faire rire à tout prix. Je n’y arrive pas toujours… (rires)

Quelle est la petite histoire que vous vous êtes raconté autour de votre personnage ?

Je me suis représenté un garçon qui vient d’un milieu plutôt aisé (Anouchka le dit, un moment, en parlant de l’appartement que lui a prêté son père). Il veut faire du théâtre peut-être plus pour le style que par réel passion. Mais on ne sait pas au fond, si c’est un mauvais metteur en scène. Pour moi, c’est un jouisseur. Donc oui, il a ce côté un peu bête mais de la bêtise de ces gens qui ne veulent pas se poser de questions, où tout est un amusement. C’est peut-être parce qu’il a souffert auparavant qu’il a cette désinvolture. Il a rencontré Julia (le personnage joué par Anouchka Delon, ndlr) à Avignon, et il compte monter sa pièce avec les sous de Papa. Il lui fait passer une audition, en se disant « on va aussi passer du bon temps ». Il se retrouve à la suivre parce que rien n’a d’importance en fait. Quand il arrive sur scène et qu’il voit Julien, il se dit « Tiens, c’est intéressant ! » avec cette curiosité un peu déplacée et il fait de même quand il voit sa mère qu’il juge tout de suite comme une « bourgeoise coincée ». Augustin, c’est un provocateur qui a les moyens de ses fantasmes et qui ne se pose pas de questions, finalement.

On se pose aussi la question de ce qu’il se passe en coulisses pendant que la pièce se joue…

Quand on arrive au théâtre, on se prépare, on travaille entre amis, en bonne intelligence, dans la bienveillance avec une équipe technique géniale qui participe beaucoup de cette énergie. On arrive, on déconne. Julien et Anouchka débarquent toujours avec leur chien qui est devenu un peu notre mascotte.

Quand Nathalie n’est pas sur scène, pendant une partie de la pièce, on discute beaucoup ensemble. Nathalie, au-delà d’être une grande comédienne, est une femme d’une grande humanité qui a une vraie vision du théâtre. On parlait tout à l’heure de parrain ou marraine de théâtre, je crois que j’ai la chance d’en avoir une de plus avec elle.  Elle me parle donc de plein de choses. On échange beaucoup sur comment aller plus loin, comment améliorer notre travail, être sans cesse en recherche. C’est une femme extraordinaire!

Avant chaque représentation, on a un petit cri de guerre qu’on pousse ensemble. On appelle ça notre « haka ».  C’est important d’être ensemble, quelques minutes avant de monter sur scène. Donner vie à l’imaginaire, le rendre réel, est tellement difficile tellement fragile, que l’unité d’une troupe est essentielle. C’est une idée qui vient d’ailleurs d’Anne et de Jean-Luc.

Enfin, quand tout le monde est sur scène je suis en coulisses derrière le lit et je suis le texte pour être avec eux avant de les rejoindre sur scène…

Guillaume Beyeler joue aux côtés d’Anouchka Delon, Nathalie Roussel et Julien Dereims dans Libres sont les papillons actuellement au Théâtre Rive Gauche, dans une mise en scène de Jean-Luc Moreau et une adaptation de la pièce de Leonard Gershe signée Eric-Emmanuel Schmitt.

Plus de renseignements sur le site du théâtre : http://www.theatre-rive-gauche.com/

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