M comme Médée… et Médée comme Mosaïque

Euripide, Sénèque, Heiner Müller, Sara Stridsberg, Jean-René Lemoine, et bien d’autres… Médée a n’a cessé de fasciner les auteurs tout au long des siècles et Astrid Bayiha (Welfare, Festival d’Avignon 2023…) a eu la brillante idée de les réunir pour explorer le mythe en s’entourant d’une jeune troupe pleine d’énergie et d’engagement sur la scène du Théâtre de la Tempête.

« JAZON – Sorcière.

MEDEA – Oui. Peut-être. Peut-être suis-je sorcière. Mais alors – qu’est-ce que tu es, toi qui m’as poussée à le devenir ? Pour qui j’ai fait ce que j’ai fait. De ces mains. »

Un chant comme venu de la nuit des temps (incanté et composé par Swala Emati) ouvre le récit de Médée, dans ce décor sobre, antique et moderne à la fois. Médée n’a pas d’âge. Elle est multiple. Astrid Bayiha a choisi d’adapter et de tisser les textes de sept pièces et de les faire entendre de façon chronologique.

L’adaptatrice, metteure en scène et dramaturge de préciser : « Je rêve à un voyage collectif. Les différentes versions de Médée et Jason seront interprétées par sept artistes de la Martinique, de l’Afrique, du Maghreb, du Moyen-Orient, du Brésil et de la France. Un chœur d’hommes et de femmes ».

Fernanda Barth ouvre le bal. Elle est cette Médée, fière, fille rebelle, brusquement victime de la passion amoureuse, cette flèche décochée par Jason. Ce dernier l’enlève à ses parents, l’entraîne loin de sa terre natale. La comédienne joue cette version antique de Médée avec beaucoup de justesse. L’émotion de son personnage semble comme perler, dans sa voix comme dans son regard.

Photo - M comme Médée 03

Explorer le mythe de façon multiculturelle

On retient aussi de ce spectacle le jeu lumineux de Jann Baudry, malgré la brisure de son personnage, sa colère et la folie sourde ; celle qui éclate chez Daniély Francisque face à deux figures de Jason, responsables aussi à leur façon, du sort de Médée.

Anthony Audoux, Josué Ndofusu et Valentin de Carbonnières incarnent ces différentes versions de Jason avec engagement : séducteurs, amoureux, tourmentés, lâches et traîtres, leur jeu se fait pourtant de plus en plus détaché, face à cette situation qui leur échappe et cette lâcheté propre qu’ils ne veulent reconnaître.

Enfin, tour à tour conteur dramatique et présentateur facétieux, Nelson-Rafaell est ce lien constant avec le public qui lui apporte du recul vis-à-vis de cette tragédie en marche.

Cette Médée-mosaïque, cette femme-monstre et mère infanticide, Astrid Bayiha choisit, sans la défendre, de l’éclairer aussi à travers son statut de femme exilée et d’amoureuse bafouée.

Un véritable travail de troupe et une présence du chant très judicieuse viennent donner ici chair à cette invitation au voyage dans le temps, l’espace et la poésie.

M comme Médée

Adaptation, dramaturgie et mise en scène de Astrid Bayiha
avec Fernanda Barth, Jann Beaudry, Valentin de Carbonnières
en alternance avec Anthony Audoux, Swala Emati,
Daniély Francisque, Nelson-Rafaell Madel, Josué Ndofusu 

scénographie de Camille Vallat 
lumières de Jean-Pierre Népost 
costumes d'Emmanuelle Thomas 
régie générale d'Alice Marin 
musique de Swala Emati 

adaptation d’après des textes de Jean Anouilh, Euripide, 
Jean-René Lemoine, Dea Loher, Heiner Müller, Sénèque, Sara Stridsberg.

Jusqu’au 25 novembre.

Théâtre de la Tempête
www.la-tempete.fr
Infos et réservation : 01 43 28 36 36
Du mardi au samedi à 20h et le dimanche à 16h.

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