Rencontre avec Ladislas Chollat, metteur en scène

C’est dans un salon de thé où il a ses habitudes, dans la quiétude artistique de l’île-Saint-Louis que le metteur en scène Ladislas Chollat, 39 ans, aux manettes de trois pièces en cette rentrée théâtrale, me donne rendez-vous, un lundi matin, histoire de bien démarrer la semaine…

L’agenda de Ladislas Chollat est chargé en cette rentrée : trois pièces ambitieuses à mettre en scène (Les Cartes du Pouvoir au Théâtre Hébertot, déjà en passe d’être le grand succès de la rentrée, Deux Hommes tout nus au Théâtre de la Madeleine et Sahar et Jeremy, au Théâtre de Paris).

On est ainsi d’autant plus touché d’être l’interlocuteur de ce metteur en scène boulimique de travail et passionné par son métier. « Vous savez, j’ai l’habitude de faire un spectacle par an depuis la 4ème ! », explique en riant Ladislas Chollat. « Au fond, je me considère un peu comme un prof qui dans la même école a en charge plusieurs classes. J’ai toujours fonctionné ainsi. Je suis un boulimique de travail et bien souvent mes comédiens ne savent pas que je mets en scène d’autres pièces en même temps. »

Organisé, Ladislas Chollat est bien obligé de l’être au quotidien. Par exemple, pour cette rentrée, il nous avoue que le projet de mettre en scène la pièce Deux Hommes tout nus (écrite et jouée par Sébastien Thiéry face à François Berléand) est arrivé avant celui des Cartes du Pouvoir, alors qu’il travaillait sur Sahar et Jeremy avec Aurore Auteuil au Petit Hébertot et repris en cette rentrée au Théâtre de Paris.

De sorte qu’en avril dernier, Ladislas Chollat travaillait à la fois sur Sahar et Jeremy et la pièce Deux Hommes tout nus, tandis qu’en juin puis août, il s’occupait des répétitions des Cartes du Pouvoir. Francis Lombrail, nouveau directeur du Théâtre Hébertot, à ce sujet, lui avait laissé le soin de choisir la troupe de comédiens qui aillaient incarner cette pièce brillante sur les coulisses de la politique américaine signée Beau Willimon, scénariste de la série TV mythique House of Cards.

« En tant qu’artiste, c’est impossible de vivre dans un tiroir ! »

« Dans mes pièces, je travaille toujours avec une partie de gens qui me suivent depuis longtemps et une autre partie constituée de nouvelles recrues. Cela me permet d’avoir à la fois des bases solides dans mon travail, tout en sachant me mettre aussi en danger. Par exemple, dans Les Cartes du Pouvoir, Ladislas Chollat avait déjà travaillé avec Raphaël Personnaz et Elodie Navarre (idem pour Julien Personnaz, stagiaire sur la pièce Médée) mais pas avec Thierry Frémont « qui s’est révélé être un acteur passionnant, allant vers les rôles avec cette énergie digne de l’Actor’s studio. Dans Deux hommes tout nus qui aborde de façon délirante et émouvante la question du black out, je connaissais bien Sébastien Thiéry et Isabelle Gélinas mais pas François Berléand. Ce qui est étonnant avec Sébastien Thiéry, c’est qu’alors qu’il est l’auteur de la pièce, sur scène, il redevient avant tout comédien et sait s’effacer. »

Au cœur de cette passion bouillonnante pour le théâtre, qui l’a même un moment poussé à être comédien, pendant cinq ans à Marseille, il y a principalement l’amour des grands textes. « La mise en scène pour moi, c’est quelque chose de naturel. J’ai d’abord suivi des études de Lettres Modernes où j’ai été sensible au rythme du texte ; ce qui m’a permis de m’attacher constamment à la recherche du mouvement des mots comme à celui des personnages et des décors. Je recherche avant tout des déplacements naturels, comme ce décor qui glisse latéralement dans Les Cartes du Pouvoir et apporte autant de fluidité que de modernité à l’ensemble. »

Ladislas Chollat a travaillé comme comédien et metteur en scène au théâtre de La Criée à Marseille et rencontré Gildas Bourdet avec qui il collaborera sur plusieurs pièces et dans plusieurs théâtres différents tels que le Théâtre de la Criée de Marseille, le Théâtre de Chaillot, le TNP de Villeurbanne et le Théâtre Hébertot. « En tant que comédien, je me reprochais beaucoup de choses. Je n’avais jamais suivi d’école de théâtre. Je n’aimais pas la position du comédien qui est constamment dans l’attente. En faisant de la mise en scène, je me suis enfin senti à ma place. »

Pêle-mêle, Ladislas Chollat évoque aussi son goût pour l’écriture, son envie d’aller vers le cinéma, sa passion pour les acteurs. Aurore Auteuil, qu’il dirige dans Sahar et Jeremy, justement assise non loin de nous dans le salon de thé, est décrite par ce dernier comme une actrice à l’état brut, éminemment poétique. Dans ce « seul en scène » qu’est Sahar et Jeremy, elle incarne deux personnages à la fois, un jeune homme et une jeune femme, deux mal aimés qui soulèvent la question suivante : peut-on aimer sans avoir été aimés auparavant ?

« J’aime le théâtre parce que c’est l’art du présent. Et je me méfie de toutes les théories que l’on peut avancer sur le théâtre, ou le vieux débat sur le théâtre public et le théâtre privé. Pour ma part, j’ai les mains dans le cambouis, en tant que metteur en scène, et je ne me préoccupe de rien d’autre. J’aime pouvoir tout dire à mes comédiens. Rester doux dans ma façon de les diriger mais savoir en même temps les mettre en danger. Car le théâtre, c’est avant tout un métier du danger.

Gourmand, Ladislas Chollat évoque son prochain projet de comédie musicale avec France Gall au Palais des Sports : « J’aimerai créer une comédie musicale comme celles que l’on peut voir à Londres ou à New York. Je pense être plus américain ou anglais dans ma tête que français. Parce qu’il n’y a pas de tiroir chez les Anglais : un acteur anglais peut jouer à la Royal Shakespeare Company le matin et jouer un travesti dans un cabaret l’après-midi et ça ne posera pas de problèmes. En France, tu ne peux pas faire ça si tu as déjà fais autre chose et pour moi, être artiste, c’est justement le contraire. C’est impossible de vivre dans un tiroir ! »

En guise de conclusion à ce bel entretien, Ladislas Chollat précise : « Pour moi, ce qui compte c’est faire mon métier : voyager à travers les auteurs qui comptent, aller vers les choses les plus diverses possibles si elles racontent quelque chose qui va marquer le public. »

Un grand merci à Ladislas Chollat pour son précieux temps ainsi accordé.

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