Critique théâtre « coup de cœur »: Je ne serai plus jamais vieille

C’est une femme brisée, Adèle, que nous découvrons recroquevillée dans son rocking-chair, dans la petite salle intimiste du Théâtre des Mathurins. Dans ce « seule en scène » brillamment mis en scène par Jean-Louis Martinelli et incarné par la comédienne Christine Citti, ce n’est pas un personnage mais trois qui prennent vie avec une force surprenante, sous la plume engagée de Fabienne Périneau.

Dans le cadre du dernier festival Le Paris des Femmes, Fabienne Périneau a eu l’idée d’écrire ce personnage de femme brisée, victime de harcèlement moral au sein de sa propre vie conjugale. Lors de sa représentation en janvier dernier, le public avait déjà été frappé, malgré le format court de 30 minutes, par la force du sujet (finalement rarement abordé sur scène) et l’exigence artistique du projet.

Sous cette impulsion, Fabienne Périneau accepte de développer ce personnage et cet univers pour composer alors ce que nous découvrons aujourd’hui aux Mathurins, dans une durée d’une heure et dix minutes environ.

En tant que comédienne comme en tant qu’auteure, c’est le personnage qui importe à Fabienne Périneau. Ce qui explique peut-être ainsi combien celui d’Adèle est aussi creusé, ressenti, dans ce souci constant de l’incarnation et de la vérité.

De cette souffrance aiguë renaît l’espoir

La force de ce texte aussi n’est pas simplement de mettre en scène la souffrance de cette femme, mais d’évoquer les deux autres personnages proches d’Adèle : Guillaume, le mari pervers narcissique dont Adèle ne cesse de revivre les moments de violences verbales, physiques et psychologiques sans cesse infligées et Luba, la femme de ménage, ce personnage en apparence extérieur au drame et pourtant si proche, qui va aussi avoir son rôle à jouer. L’idée souterraine et singulièrement engagée ici est que dans ce drame humain, tout n’est pas forcément joué d’avance. Et de cette violence aiguë peut renaître l’espoir

On comprend mieux alors comment des gens de qualité ont entouré le projet de Fabienne Périneau. Il s’agit de Jean-Louis Martinelli (l’ancien directeur du Théâtre des Amandiers à Nanterre) qui a délaissé ses habitudes des grands plateaux pour répondre à l’urgence du texte et réinvestir ce petit plateau des Mathurins, volontairement voulu resserré par le metteur en scène pour souligner un peu plus l’enfermement d’Adèle, cette femme architecte brillante qu’un homme, son propre mari, a voulu briser.

Dans ce vêtement rouge bien trop large, probablement acheté par le mari à sa femme pour mieux cacher son corps et l’annihiler un peu plus, à la façon de certains extrémistes religieux, Christine Citti déploie tout son talent de comédienne pour incarner ces trois personnages distincts, dans ce qui ressemble aussi à une sorte de monologue intérieur intense. Il est vrai que l’on songe à ce papillon qui s’échappera de sa chrysalide, en même temps que cette femme, prenant enfin conscience elle-même de sa condition de victime. Cette image d’espoir est d’autant plus forte que la pièce, dans son texte comme dans sa respiration scénique, illustre aussi combien il faut parfois du temps pour reprendre en main le cours de sa vie.

Une pièce plus que nécessaire, à découvrir, partager, soutenir actuellement aux Mathurins. Le théâtre sert aussi à cela…

Je ne serai plus jamais vieille
 
De Fabienne Périneau
Mise en scène de Jean-Louis Martinelli
Avec Christine Citti
Du mardi au samedi à 21H
et en matinée le samedi à 17H
Théâtre des Mathurins
Réservation: 01 42 65 90 00
 
Tarif exceptionnel: la place à 20€ au lieu de 32€ à cette adresse !
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Crédits photo: Pascal Victor / ArtComArt

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