Il était une fois Thomas Dutronc (Archive)

Un petit cadeau que je retrouve dans mes cartons… C’est à la fin de l’année 2007, que je rencontre Thomas Dutronc, dans les bureaux d’Universal Music qui le produit. Il vient de sortir son premier album Comme un manouche sans guitare. Cet entretien est paru sur un site de cinéphiles passionnés dont tous les articles ne sont plus accessibles, à mon grand regret. On y parle musique… et cinéma bien sûr ! Mais déjà, l’artiste musicien, exigeant, généreux et passionné par l’histoire du jazz est là.

Parlons d’abord un peu musique, de ton parcours dans l’univers du jazz manouche…

Thomas Dutronc : C’est là d’où je viens, ce sont mes racines. Bon, il se trouve que je ne suis pas manouche, mais j’aime pratiquer la musique de Django Reinhardt « dans le style », et c’est autour de ça que je me suis construit un réseau d’amis. Je connais beaucoup de stars de guitares manouches (Tchavolo Schmitt et Biréli Lagrène) avec qui je m’entends très bien parce qu’on partage cet amour de Django, de la rigolade, du comptoir. Et dans le milieu je connais beaucoup de musiciens, donc j’ai une vraie légitimité là-dessus. C’est pour ça que mon spectacle s’appelait « Thomas Dutronc et les Esprits Manouches » et que l’album s’appelle juste « Thomas Dutronc, Comme un manouche sans guitare », en référence à un titre que j’avais placé à la fin parce que c’est un titre que j’aime bien et parce que ça résume plein de trucs : manouche, c’est là d’où je viens, sans guitare, y a un petit jeu de mot, l’idée de me jeter à l’eau, etc.

Comment expliques-tu ton admiration pour cet univers musical ?

Thomas Dutronc : Je me suis cherché des gens très forts à admirer. J’ai trouvé Brassens puis Django Reinhardt. Django, c’est comme si je m’étais pris de passion pour Jean-Sébastien Bach, sauf que Django c’est moderne et qu’on ne le connaît pas trop. Il n’est pas « établi ». Django, c’est le plus grand de tous les temps en ce sens qu’il fait tout ce qu’il veut, qu’il ne peut jamais se tromper. C’est surtout ça qui est hallucinant. C’est le plus grand des improvisateurs, pour moi, et il a cette particularité qu’il a une poésie très européenne, moderne. En plus il a ce côté manouche, plein de liberté qui me plaît. Je suis à la recherche de liberté, de trucs surprenants, pas conventionnels et surtout vastes, dans lesquels on peut se plonger et se noyer jusqu’à plus soif. J’adore ce que raconte Django, pour moi c’est comme une drogue, un baume au cœur, c’est très galvanisant.

Comment se passe la rencontre avec les gens depuis la sortie de ton album?

Thomas Dutronc : C’est cool. Je ne vois pas tellement la différence avec ce que j’étais ou ce que je faisais avant. C’est juste une étape supplémentaire, un peu plus de notoriété. C’est agréable et c’est vrai que moi-même je me sens plus accompli sur scène. Les gens comprennent tout de suite ce que je suis, et donc j’ai moins de frustration comme avant où je pouvais rater des concerts, ou je n’étais pas moi-même complètement, ou plus entrain de « copier Django », de faire de la musique purement instrumentale. Là, je progresse, et les gens s’en sont aperçus. Ils sont au rendez-vous et ça fait plaisir. On marche par étape. On veut progresser. On est très content de nous aussi mais il ne faut pas s’endormir sur ses lauriers, il faut bosser ! C’est un vrai travail !

Parlons à présent cinéma. Y a-t-il des musiques de films qui t’ont inspirées pour cet album ?

Thomas Dutronc : Il y en a plein. Je ne pourrais pas dire pour cet album en particulier, mais dans ma vie, oui, il y en a plein. Depuis tout petit, je regarde beaucoup de vidéos, avec mes cousins, amis. Je regardais beaucoup de films hollywoodiens, comiques (les Marx Brothers, les Tex Avery, les Monthy Python). J’ai toujours été fan de ça. Là j’avoue que je suis surtout fan des séries américaines plus que du cinéma. Evidemment quand j’entends parler d’un bon film, je vais le louer. Je ne vais plus au cinéma, par manque de temps, par peur de me vautrer, de voir un film qui va me faire chier… Je ne suis pas très fan du cinéma français, par exemple. Je ne vais jamais voir un film français au cinéma, c’est peut-être con… Mais pour en revenir à la musique qui a inspiré mon album, je voulais surtout lui donner un grand décor cinématographique dans le sens où cela n’est pas intimiste, où j’ai besoin d’un grand écran. Ce sont les deux premiers instrus surtout qui ont été conçus comme un voyage cinématographique, visuel aussi, surprenant, avec un malus track qui raconte ma vie de musicien dans les bars, l’ambiance.

Peux-tu nous parler de ton travail de compositeur de musique de films ?

Thomas Dutronc : Pour Les Triplettes, j’ai juste fait une guitare sur le titre. En fait, la compo c’est Mathieu (Chédid) – M parce qu’on associe toujours moi et Matthieu. Mais même si Mathieu a fait l’arrangement et qu’il a chanté, la bande originale est anglaise. Donc là, j’ai juste fait une guitare et cela ne m’a pris qu’une après-midi. En suite, avec Mathieu et Ninine on a fait la musique de Toutes les filles sont folles, et il n’y avait pas du tout de moyens. Donc on a fait ça très rapidement, genre en deux jours. C’était un peu speed. On a travaillé l’acoustique à la maison et on s’est servi beaucoup des thèmes que Ninine avait déjà en tête.

Pour la B.O.F des Enfants, c’était particulier…

Thomas Dutronc : Pour Les Enfants, j’ai bossé tout seul, j’ai cherché des thèmes à différents moments. J’ai vraiment passé du temps et c’est dommage parce que le réalisateur avait un peu déserté son film, parce qu’il n’en était pas très content pour X raisons. C’est le monteur qui a porté à bout de bras le film. Mais du coup, moi qui avais adoré le scénario, j’ai trouvé le film quand même moins bien. Comme quoi le cinéma français, c’est très difficile parce qu’on ne se donne pas autant les moyens qu’aux USA, et pourtant il y a vraiment des talents. On a besoin que le producteur amène de la réalité commerciale tout en aidant le réalisateur. Bref, ce film qui aurait dû être bien, ne l’a pas été par manque de moyens. Pour qu’il y ait des moyens, il faut que ce soit pour Astérix et ça c’est dommage ! Là je vais faire la musique du film de Lorraine Lévy, la sœur de Marc Lévy. On est au tout début du projet. J’espère que le film aura ce petit côté anglo-saxon que j’aime bien.

Quelles sont les musiques de films que tu peux écouter en boucle ?

Thomas Dutronc : Bullit ! Mais il n’y en a pas tant que ça ou alors, si, ça va être Amadeus parce que j’aime Mozart, Pulp fiction parce que ce sont des morceaux pop bien choisis ou Casino de Scorsese, parce que tous les morceaux sont géniaux. Une des musiques aussi que je trouve vraiment incroyable, c’est celle de Lynch, notamment dans les Twin Peaks, où la même musique est mise à des moments très différents. Il la traite de façon très forte. J’adore aussi Woody Allen qui prend toujours du vieux Django. Ou quand c’est du jazz, ce sont les Américains venus à Paris avec Django derrière, j’adore ! Il y a aussi Clint Eastwood, les musiques de Tex Avery, Maurice Jarre, John Barry, John Williams (La Guerre des étoiles, Les Dents de la mer). C’est très inspiré de la musique classique. Mais la musique de film, c’est souvent du remplissage. Souvent sans les images, ça ne marche pas et heureusement parce que c’est fait pour ça. Le Grand Bleu, non merci ! Ça ne vaut pas la vraie musique, et les auditeurs ne s’y trompent pas. Très souvent, on le voit, le succès des musiques de films est bien inférieur à celui de la musique « tout court ».

Parle-nous de ton expérience d’acteur, comptes-tu jouer à nouveau pour le cinéma ?

Thomas Dutronc : C’était un peu bizarre comme expérience pour moi, mais j’ai compris plein de choses. Déjà je me suis recentré. Je me suis dit que j’aimais vraiment la musique. Je ne suis pas passionné par le métier de comédien. J’ai essayé pour voir et gagner des sous. J’ai vu qu’en faisant un petit film comme ça, j’avais une couverture médiatique tout de suite : j’ai été interviewé par douze milliards de journaux, on m’a invité dans plein de soirées parisiennes alors que la démarche que j’ai suivi musicalement est beaucoup plus profonde, plus riche, beaucoup plus intéressante. Il y a des codes comme ça. Le cinéma doit rapporter plus d’argent donc il y a tout de suite plus de couverture. On voit bien qu’on est dans un monde d’argent. En plus, pour avoir un bon scénario, il faut déjà être au top. Il n’y en a pas beaucoup en France des bons scénarios et si tu n’es pas au top, ce n’est pas à toi qu’ils vont te le proposer. Le chemin est beaucoup trop long et j’aime trop la musique. J’aurai plus été attiré par la réalisation, trouver des idées farfelues, mais j’y viendrais peut-être avec des histoires de clips, d’Internet, qui sait…

Crédits photo : Yann Orhan - Droits réservés 

Remerciements à Thomas Dutronc et Elodie Deleu - 
L'univers musical de Thomas Dutronc, plein de tutos de guitare jazz manouche
géniaux et survitaminés est à découvrir sur sa page Facebook. 
Son nouvel album sort le 19 juin prochain.

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