Critique Les Trois Soeurs : Le bel hommage à Stanislavski

A la Comédie Française, en cette fin de saison, la programmation est loin de s’essouffler. La nouvelle mise en scène des Trois Sœurs par Alain Françon, événement très attendu par les amateurs de Tchekhov, emballe d’emblée. Il faut s’y précipiter car le délai des représentations est fort court…

La raison de cette réussite ? Un véritable hommage à la mise en scène de Stanislavski, ce génial comédien et metteur en scène russe qui fut le premier à mettre en scène Les Trois Sœurs. Ici, sur le plateau de la salle Richelieu, Alain Françon a choisi de rester le plus fidèle aux notes d’intention de Stanislavski, à ses choix de mise en espace.

Il en ressort un troublant mélange de classicisme et de modernité dans le jeu des comédiens : Michel Vuillermoz, Guillaume Gallienne, Laurent Stocker, Eric Ruf, Bruno Rafaelli, Elsa Lepoivre, Florence Viala, etc. En bref, c’est toute la crème de la troupe du Français qui participe ici à cette belle aventure.

Dans ce rafraîchissant retour aux sources, Alain Françon travaille sur la respiration du texte et de l’espace. Il parvient ainsi, à partir de quatre décors bien distincts, à nous faire entrer dans l’univers si complexe de Tchekhov, où l’anodin ne cesse de se disputer à l’importance du sens.

« Montrer l’homme comment il est »

Quatre ans, c’est en effet la durée de l’intrigue des Trois Soeurs. Une durée volontiers distordue dans cette galerie de multiples personnages solitaires, avec l’idée que le présent n’a pas vraiment d’importance. « C’est une manière constante de se repositionner en arrière ou de se projeter en avant. », précise le metteur en scène Alain Françon.

Ces « trois sœurs », au cœur de l’intrigue, vont s’illusionner avec autant d’ardeur qu’elles chercheront par la suite à se réconforter. Cette nouvelle mise en scène cherche en effet constamment à juxtaposer les moments de comédie avec ceux de la tragédie, incarnés par des personnages beaux et médiocres à la fois.

Il ne faut pas oublier ici les décors particulièrement soignés, la recherche de leur mise en espace, l’élégance des costumes, la beauté de cette neige qui tombe délicatement sur le plateau. Ce bel écrin scénique sert de façon efficace à illustrer toute la réflexion de Tchekhov sur la raison d’être du théâtre : « L’homme deviendra meilleur quand nous lui aurons montré comment il est. »

Laetitia HEURTEAU

Du 22 mai au 16 juillet 2010, en alternance.

Comédie française, salle Richelieu.

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