Xavier Gallais, épisode 2 : la joie avant tout

Suite et fin de notre entretien. Où l’on en apprend un peu plus sur les débuts du comédien et ses rencontres majeures dans le métier…

Revenons un peu sur ce fameux déclic pour ce curieux métier de comédien…

Le déclic, c’est lors de mes cinq ans où mes parents m’avaient organisé un spectacle de marionnettes. Et pendant quinze jours, j’avais vu la préparation se faire avec les chaussettes peintes, les fresques derrière. Je me souviens très précisément quand je me suis dit dans le salon avec mes camarades assis par terre: « ah ben moi aussi je veux être derrière le rideau et faire rêver les gens! ». Avec déjà la conscience, que ça se travaille en amont, que ça se fabrique. Un penchant pour le côté artisanal du métier, tout d’abord!


Comment t’es-tu formé par la suite ?

Jusqu’à l’âge de treize ans, j’ai suivi tous les étés un stage artistique où je pouvais faire aussi bien du théâtre, que de la danse, de la vidéo, de la peinture, de la musique, de la percu, plutôt que d’aller en colo’. Ça m’a ainsi permis de rencontrer plein de gens avec des approches du théâtre très différentes à chaque fois. Ensuite, j’ai suivi des cours d’amateurs, dans le Val d’Oise où je travaillais de façon acharnée.
A l’âge de dix-huit ans, j’ai commencé à travailler avec Benoît Lavigne sur audition pour son premier spectacle et là on a commencé à faire des spectacles semi-professionnels: Avignon Off, le Lucernaire…

Puis la case « Conservatoire »

Comme depuis onze ans je voulais passer le Conservatoire, je l’ai bachoté à l’Ecole Florent où je suis rentré en classe libre et suis resté pendant un an. Je l’ai obtenu à l’âge de vingt et un an et j’ai fait trois ans de Conservatoire où j’ai retenu surtout ma rencontre avec Mesguich, qui avait un rapport au métier qui correspondait à mon premier désir de faire ça, c’est-à-dire un rapport de la joie, ludique: monter sur scène pour s’éclater, éclater les gens, pour être libre enfin dans ce monde, non pas pour faire n’importe quoi, mais tout ce qui nous paraîtrait impossible dans la réalité. Marcher à cloche-pied, parler en vers, tout ça pour le plaisir de ne pas être normal. Le plaisir d’entrer dans une anormalité, dans un monde parallèle.

Le Conservatoire, c’était aussi l’honneur de rentrer dans une famille, dans une grande tradition de gens passionnants, passer après les Belmondo, Marielle, les Weber, les Huster, etc.

Justement comment s’est passé ton travail avec l’un d’entre eux, Jacques Weber ?

Quand on s’est rencontré, j’étais encore au Conservatoire. Il était entrain de monter Cyrano de Bergerac, avec que des jeunes comédiens et j’ai demandé à passer une audition. Quand je l’ai passée, il n’y avait plus que des petits rôles. Et quand quelques mois plus tard, la personne qui devait jouer Cyrano ne pouvait le faire, il m’a demandé si je voulais jouer Cyrano. On a travaillé ensemble sur un personnage qu’il connaissait par coeur, qu’il avait joué jusqu’à l’épuisement au théâtre. A la fois, il était très pédagogue, patriarcal, soutenant techniquement, et en même temps désireux de ma jeunesse, de ma sauvagerie, de l’envie de chercher de nouvelles voies sur un texte très classique. Et la création de notre Cyrano était un mélange de ces deux tensions-là.

Il y a ensuite vos retrouvailles sur Ruy Blas

Oui, Jacques Weber m’a demandé de jouer Ruy Blas pour la télévision. Il voulait raconter de Ruy Blas encore cette dualité entre la tradition et un nouveau monde qui arrive. Il avait alors décidé de faire jouer tous les personnages autour de Ruy Blas par des personnalités artistiques fortes, connues, en place, et qu’il n’y ait que Ruy Blas qui soit jeune comédien. Comme si le peuple qu’incarne Ruy Blas était en devenir, dans un monde déjà bien installé, respecté par le milieu, parle public.

C’est surtout un rapport assez maître/élève que Jacques instaurait. Et on s’est retrouvé pour la troisième fois, avec Ondine, où je jouais avec Laetitia Casta. On a beaucoup travaillé à la table, pendant un mois. Après on a eu un mois à l’aise pour répéter dans les décors. C’était un personnage qui ne me ressemblait pas a priori. Il n’était pas romantique, mais plus médiéval, plus rugueux, plus brut.

Autre moment important de ton parcours, le succès auprès du public et de la profession autour du triptyque de Woody Allen Adultères qui t’a même valu le Raimu du meilleur comédien!

Quelle surprise, en effet! Je ne m’y attendais tellement pas! J’étais content parce que je ne me considérais pas comme un comédien comique. Ça n’était pas mon métier, et je me suis pourtant vraiment attaché à rendre vraies les failles et en même temps, les gens étaient morts de rire. Ça en gênait certains d’ailleurs qui trouvaient ça trop burlesque.

Comment as-tu travaillé ces trois personnages ?

J’ai décidé de travailler ces trois personnages de manière complètement différente. A la limite qu’on ne me reconnaisse pas de l’un à l’autre, c’était encore une fois presque un exercice de style. Mais je trouve que la comédie facilite ça. C’est très formel.

Donc j’ai décidé de me changer vraiment: mon corps, ma voix, mon énergie, mon rapport à l’autre, à la langue en fonction des trois personnages que j’avais à interpréter dans la même soirée. Et j’ai plongé dans l’univers de la comédie américaine, en arrivant avec un travail en amont qui rendait hommage à son histoire. C’était donc truffé de clins d’oeil à Buster Keaton, Charlie Chaplin, Jerry Lewis, Woody Allen, Jim Carrey. Le comique poétique, social, burlesque, en Amérique est très vaste, très osé. Et Woody Allen est le premier à travailler sur ces différences de tons en rendant un hommage à chacun.

D’où les endroits un peu étranges dans lesquels ça nous a amené parfois: les outrances, les douleurs des personnages qui finissaient par pointer quand même.

Ça n’était pas dur dans la journée de jouer tous ces personnages en même temps ?

Je dois dire qu’en plus dans la journée j’étais en tournage de l série télé Sur le fil où je jouais mon flic pervers (rires)… Mais non ce n’était pas si dur que ça parce que depuis tout petit je suis habitué à ça. Mais peut-être que cela aurait été plus difficile si je les avais moins marqués. Là c’était dans des univers tellement différents tous les trois que du coup, c’est comme quand je passe de Baby Doll à Proust, je fais bien attention à être dans des univers bien différents. C’est difficile en création, c’est-à-dire en répétition, parce que j’ai le même temps que si je montais un seul personnage. Donc il a fallu travailler encore plus. Mais une fois que tout cela est bien placé, c’est plus facile parce que ce sont vraiment des choses très opposée à jouer.

Crédits Photos: Mireille Ampilhac.

One Comment

  • Turlututu

    J’attends avec hâte la rentrée pour connaitre tout sur les nouvelles pièces de la rentrée et faire mon choix.
    Merci pour les futures info

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