Critique théâtre – A tort et à raison

C’est au Théâtre Rive Gauche que se joue en ce moment A tort et à raison, une pièce palpitante signée par le brillant dramaturge et scénariste Ronald Harwood (Le Scaphandre et le Papillon, Le Pianiste). En 1946, dans un Berlin occupé par les Américains, Steve Arnold, dépêché par son gouvernement pour interroger le brillant chef d’orchestre Wilhelm Furtwängler, fortement soupçonné d’avoir collaboré avec les Nazis, s’est juré de lui faire la peau…

Ce n’est pas un simple interrogatoire policier qui se joue ici sous nos yeux, sur la scène très recueillie du Théâtre Rive Gauche, chaque soir depuis février dernier. C’est un duel prenant, déséquilibré, accompagné d’une écriture psychologique pleine d’ambiguité et d’une interprétation fougueuse de la part de chaque comédien.

Il y a tout d’abord ce personnage de commandant américain, Steve Arnold, incarné ici avec une grande justesse par Francis Lombrail, en constante révolte depuis qu’il a vu l’impensable dans les camps de concentration qu’il a dû visiter lors de sa venue dans l’Allemagne de l’après-guerre. C’est un véritable fauve lâché dans l’arène qui n’a qu’une idée en tête malgré sa passion initiale pour la justice : trouver toutes les preuves pour arrêter le brillant chef d’orchestre Wilhelm Furtwängler (génial Jean-Pol Dubois), fortement soupçonné de collaboration avec Hitler.

Face à lui donc, ce brillant artiste, qui au fil de l’affrontement va révéler ses zones d’ombres mais en montrant aussi la difficulté pour un artiste renommé de vivre sous la dictature : le climat oppressant constant, sa participation probable à la Résistance allemande face au régime, ses propres angoisses d’homme seul, etc.

Haletant et sans aucun manichéisme

Il eût été facile de tomber dans le manichéisme de cette situation d’affrontement : un personnage prédominant sur l’autre par la supériorité historique de sa situation ou par la force de la vérité qu’il veut défendre.

Toutefois, et c’est ce que nous révèle le titre, où est vraiment la vérité dans tout cela ? A qui se fier réellement ? L’écriture d’Harwood sème peu à peu le doute, tout en mettant progressivement à nu la désespérante solitude de ces personnages proches de l’univers de Tennessee Williams.

Le décor est celui d’un bureau d’officier, prêt à recueillir, comme le public d’ailleurs, ici captivé, les moindres confidences des personnages qui viennent défiler. Cette sobriété du décor sert justement le texte et l’attention que nous portons à celui-ci.

Au fond, il y a cette montée de la tension mais aussi de « l’attention » qui fait tout le sel de cette pièce dont on ressort captivés voire très émus.

A tort et à raison

Théâtre Rive Gauche

Du 11 février 2013 au 27 avril 2013
Du mardi au samedi à 19h.
Le dimanche à 17h30.
Res : 01 43 35 32 31

Une pièce de Ronald Harwood, traduction française de Dominique Hollier
Avec :
Wilhelm Furtwängler – Jean-Pol DUBOIS / Steve Arnold – Francis LOMBRAIL
Helmuth Rode – Thomas COUSSEAU / Tamara Sachs – Odile ROIRE
David Wills – Guillaume BIENVENU et Emmi Straube – Jeanne CREMER

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