Critique théâtre : Rouge

Après son immense succès à Broadway, la pièce de John Logan, Rouge, habilement mise en scène par Jérémie Lippmann, investit les planches du Théâtre Montparnasse avec deux acteurs de haute volée, Niels Arestrup et Alexis Moncorgé pour interpréter le peintre Rothko et son nouvel assistant.

C’est dans l’atelier du Maître (Niels Arestrup, impérial), dans le New York de la fin des années 50, que nous sommes immédiatement plongés, dans l’amoncellement des pots de peinture, des toiles entreposées, de la térébenthine, des étagères innombrables. Nous découvrons les lieux pour la première fois, comme le personnage de Ken (Alexis Moncorgé tout en subtilités), venu rencontrer Rothko pour lui proposer ses services d’assistant.

Les premiers échanges donnent le la du spectacle : Rothko est âpre, autoritaire, mégalo mais non dénué d’humour. Et l’armure de celui qui vient de pénétrer dans son royaume ne va pas tomber tout de suite, bien sûr.

Car c’est une véritable joute à laquelle nous assistons progressivement avec un point culminant où le retour en arrière est impossible pour chacun des personnages.

L’Art sans concessions

Au cœur de leurs échanges, la conception de la peinture mais surtout de l’art en général. A l’apprenti qui avoue son ignorance, Rothko s’emporte : « Tu ne seras pas un artiste tant que tu ne seras pas cultivé, tant que tu n’auras pas appris. Etre cultivé, c’est savoir où tu te situes dans l’évolution continue de ton art et du monde. Pour dépasser le passé, il faut d’abord le connaître. »

Face à Rothko qui ne cesse de le malmener, son assistant finit par éructer. Rothko a vendu son âme en acceptant la commande de toiles immenses pour un palace new yorkais : « Le Grand Prêtre de l’Art Moderne peint les murs du Temple de la Consommation ! »

Niels Arestrup a fait sien le caractère constamment provocateur de Rothko : il s’adresse à son partenaire de scène mais aussi à son partenaire de salle, le spectateur, qu’il regarde droit dans les yeux. C’est lui qu’il prend à part avec sérieux et virulence. Il « dérange » véritablement. Rares sont les acteurs qui savent ainsi jouer avec leur public.

Face à lui, Alexis Moncorgé compose un personnage complexe, tendu malgré sa jeunesse et son apparente bonne volonté, qui se dévoile petit à petit. Une palette de jeu dont s’empare le comédien avec enthousiasme et gourmandise.

Les décors plus vrais que nature soulignent le rapport quotidien du peintre avec sa toile, avec ses outils, sa vie rythmée comme celle d’un fonctionnaire. Le jeu des lumières, la musique, l’exposition des toiles de Rothko par le truchement de poulies nous saisissent.

Rouge est à l’image du Maître, saisissant, rugueux, exigeant, créatif, âpre, sans concessions. L’émotion subrepticement nous gagne. Une vraie réussite !

Rouge

Avec : Niels ARESTRUP et Alexis MONCORGÉ

Pièce de : John LOGAN
Version française de : Jean-Marie BESSET
Mise en scène : Jérémie LIPPMANN

Scénographie : Jacques GABEL
Costumes : Colombe LAURIOT PREVOST
Lumières : Joël HOURBEIGT
Son: Fabrice NAUD
Accessoiriste : Morgane BAUX
Assistante à la mise en scène : Sandra CHOQUET

Depuis le 12 septembre 2019

Soirées
Mardi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi : 21h

Matinée
Dimanche: 15h30

Durée du spectacle: 1h40

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Crédits photo : J. STEY

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