Entretien avec Mahmoud Shalaby, révélation des Hommes Libres

Remarqué récemment dans le film Jaffa où il campait un premier rôle, Mahmoud Shalaby est la belle révélation des Hommes Libres. Ce comédien palestinien âgé de 25 ans, incarne ici le personnage charismatique du chanteur juif algérien Salim Halali, protégé par le recteur de la Mosquée de Paris sous l’Occupation.

 

Comment êtes-vous entré dans le projet des Hommes Libres ?

D’abord je travaillais sur un autre film en Israël quand j’ai été contacté par Pyramide, puis par Ismaël Ferroukhi. Celui-ci m’a demandé si je savais chanter et jouer d’un instrument. Je suis alors venu en France pour rencontrer Ismaël.

J’ai juste passé une après-midi avec lui. On a travaillé sur la question de la langue française que je ne pratiquais pas. Petit à petit, Ismaël s’est aperçu que je pouvais apprendre la langue.

Qu’est-ce qui vous semble le plus émouvant chez votre personnage ?

En lisant le script en anglais (Ismaël me l’avait fait traduire tout spécialement !), je me suis aperçu que j’étais entièrement d’accord avec le point de vue politique du film. J’ai ressenti pas mal de connections avec mon personnage. Mais la plus importante était que j’étais Palestinien. Je viens d’un lieu d’apartheid. Ce statut était pour moi la clé pour comprendre Salim qui a vécu le même genre de conflit à son époque. Rien n’a vraiment changé. C’est un film qui nous interpelle aujourd’hui plus que jamais. Chez Salim, il y avait quelque chose de très profond dans l’émotion, quelque chose de très humain à jouer.

Comment avez-vous travaillé la dimension musicale de votre personnage ?

Ce n’est pas ma voix que l’on entend quand je chante dans le film donc c’est vrai que c’est un peu spécial. Mais j’ai travaillé beaucoup sur la façon de chanter ce genre de chants arabo-andalous parce que je voulais vraiment que cela soit joué de façon réaliste. Je voulais ressentir les choses plutôt que les jouer.

Je sais chanter (même si je sais que je n’ai pas une voix incroyable) mais je prends surtout du plaisir à chanter. J’ai donc écouté le travail des chanteurs spécialisés dans ce type de chant.

De Salim, nous n’avons aucune vidéo, aucun document sur sa façon de chanter. Donc mon travail consistait à imaginer comment Salim chantait. J’ai pris plein de photos de lui qu’Ismaël m’avait confiées ; et chaque soir, je les observais avant de m’endormir. Et je rêvais de Salim grâce à ces images. Cela m’aidait à mieux appréhender Salim physiquement, son comportement, etc.


Vous avez parlé à Ismaël de votre méthode de travail sur Salim ?

Oui, nous en avons parlé souvent. Il était vraiment heureux de voir comment je m’investissais dans le rôle. Parce qu’au début, ils avaient un peu peur avec moi du fait que je ne parlais pas français.

Comment s’est passé votre travail avec les autres comédiens ?

Je pense que le sujet du film est très profond donc c’est pour cela que tous les acteurs de ce film se sont autant investis. C’est une démarche qui a beaucoup touché Tahar et Farid notamment. Comme moi également. Parce que nous vivons dans une époque où nous, les Arabes, sommes souvent considérés comme des terroristes. Ce film permet de réfléchir autrement.

Comme comédien, c’est important d’incarner selon vous, un personnage avec une dimension politique ?

Non en fait. J’ai déjà incarné des personnages dans cette mouvance, notamment dans le film Jaffa et dans Une Bouteille dans la mer de Gaza (sortie nationale prévue le 28 décembre 2011).

Ils parlent tous du conflit palestinien certes, mais en soi, ce n’est pas le seul sujet qu’il reste pour moi à défendre. Je veux jouer d’autres choses aussi.

Quand avez-vous voulu être un acteur ?

En fait, je n’ai jamais voulu être un acteur. C’est avec le rôle de Jaffa que j’ai pris conscience que j’aimais ce métier. J’avais peu joué avant. Pour Jaffa, j’ai dit au réalisateur que je n’étais pas un acteur. J’en étais tellement convaincu que je lui disais: » je te donnerai avant tout ce que je ressens. »

Donc selon vous le ressenti est capital pour jouer Salim ?

Oui, bien sûr. Mais cela tient aussi beaucoup du fait qu’Ismaël m’a vraiment bien préparé au rôle. On a porté à Salim toute notre concentration pour le faire vivre car c’est un personnage important dans le film, avec un côté obscur intéressant. J’ai été surpris, par ailleurs, quand j’ai revu le film : certains aspects avaient été retirés mais en gros c’était pour la bonne cause. Ces scènes écourtées prenaient alors tous leurs sens.

 

Propos recueillis par Laetitia Heurteau, le 27 septembre 2011, pour Pyramide.