Une Afrique qui enflamme les planches

Le 1er juin dernier dans les Grandes Ecuries de Versailles, c’était le lancement de la 27ème édition du Mois Molière et pour l’occasion, Braconniers, la nouvelle création d’Éric Bouvron (Lawrence d’Arabie, Les Cavaliers…) nous a été donnée de voir. Et de nous passionner.

En préambule de son spectacle (qu’il a écrit et mis en scène), Éric Bouvron a rappelé souhaiter ici parler avant tout de « son Afrique à lui », sa terre natale. « Ce ne sera pas celle de Blood Diamond avec DiCaprio, ni celle du Roi Lion », a-t-il prévenu, non sans humour. Et pour cause, cette Afrique-là, est une terre tout en nuances, couleurs, sons, lumières. Une terre peuplée à la fois par de farouches défenseurs des animaux comme par ses braconniers, qui sont surtout victimes d’un système social injuste.

Dès les premières minutes, le spectateur se trouvé happé. La mort d’une mère rhinocéros incarnée par l’un des comédiens, dans une danse superbement chorégraphiée, vient nous prendre aux tripes. Et c’est ainsi, par le jeu millimétré des comédiens, qui peuvent incarner à la fois plusieurs personnages, voire des animaux (les mimiques de girafes sont particulièrement réjouissantes) que l’imaginaire du spectateur se déploie.

Le comédien se retrouve ainsi au cœur du récit : il est narrateur, personnage, animal et même décor… à lui tout seul !

Et c’est le tour de force absolue d’Éric Bouvron et de son équipe que de conter cette histoire, d’un autre espace et d’une autre culture sans avoir recours à un quelconque décor… « décoratif ». Ce dernier est « mental » : des accessoires, des comédiens qui suivent une chorégraphie bien précises, accompagnés à la lumière, à la musique et par la fabrication sous nos yeux de sons précis et insolites qui viennent ainsi nourrir l’action.

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Une Afrique sur scène inédite, plus vraie que nature

Le monde des fervents défenseurs de la nature et celui des braconniers aux méthodes aussi meurtrières que sans scrupules va ici violemment s’encastrer, dans cette Afrique post-colonialiste encore en profonde souffrance. Et quand l’un de ses représentants, dans un accès de rage tue l’un de ses adversaires, tout le faible équilibre social et moral vacille.

Si l’homme qui fait le bien se met à faire le mal, que se passe-t’il ? Deux générations sont représentées. Cynthia et son père Paul Wright, qui organisent des safaris et tentent de protéger les animaux de la réserve et James et son fils Lindelani, parents les plus proches de la victime, dont l’un tente de gagner sa vie sans avoir honte, tandis que l’autre a choisi celui de la violence et de l’argent facile.

Avec une profonde poésie, émotion et créativité de tous les instants, Braconniers investit ici les lieux du théâtre en se servant de tous les codes de représentations africaines, enfiévrées, en mouvement permanent, en musique, comme incantatoires. Le cœur multiculturel du Zimbabwe bat plus que jamais dès lors que les personnages de ce récit, après s’être violemment affrontés, prennent enfin le temps de se comprendre.

Un très beau conte pour apprendre, au-delà de la situation socio-géographique, à cheminer ensemble vers le respect mutuel. Repris cette année au Festival d’Avignon, au Théâtre des Halles, on vous le recommande vivement.

Plus d'infos sur le "Mois Molière"  
moismoliere.com - 01 30 21 51 39

Braconniers

Texte Eric Bouvron 
Co-écriture Benjamin Penamaria 
Mise en scène Eric Bouvron 
Composition musicale et sound design Romain Trouillet 
Chorégraphie Eric Bouvron 
Lumière Romain Titinsnaider 
Scénographie Eric Bouvron 
Costumes Nadège Bulfay 
Assistante à la mise en scène Elena Michielin 
Production et Diffusion Barefoot et Les Passionnés du Rêve 
Distribution : Yannis Baraban, Francis Bolela 
en alternance avec Mexianu Medenou, Jean-Erns Marie-Louise et Aurélia Poirier 
Deux musiciens sur scène : en alternance Marie-Anne Favreau, 
Raphaël Maillet, Christophe Charrier
Au Festival d'Avignon du 7 au 26 juillet 21h30, 
Théâtre des Halles (relâches les 13 et 20 juillet).

 

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