Critique théâtre: Britannicus

En ce moment à la Comédie Française, Racine est à l’honneur avec cette très belle mise en scène de Britannicus, très forte tant sur le fond que sur la forme. Les comédiens portent avec panache les couleurs de la langue racinienne. On y savoure à nouveau sa richesse, ses nuances grâce à la diction et l’interprétation toujours juste de la troupe. Dominique Blanc et Laurent Stocker, Agrippine et Néron, n’en brillent qu’avec plus de force…

Ce qui frappe tout d’abord, mais au fond, on l’oublie assez vite, c’est le choix de planter le décor dans une entreprise d’aujourd’hui, où Néron ne serait plus empereur mais le PDG tout puissant, les personnages arborant tous nos tristes uniformes de travail. Le décor est sobre, austère mais bien pratique pour permettre aux panneaux de se mouvoir, à mesure que l’on entre petit à petit dans la tragédie.

Les portes blanches, selon leurs diverses dispositions, apparitions, dispositions symbolisent à merveille les méandres du pouvoir. Un PDG n’emprunte pas le même chemin que l’un de ses salariés, et il en va de même pour le jeune Néron et le moindre de ses soldats.

« Le cœur battant de cette tragédie »

La mise en scène très soignée de Stéphane Braunschweig (actuellement directeur du Théâtre de l’Odéon) permet dans le choix des décors, des costumes et de leur mise en mouvements de se concentrer sur le « cœur battant » de cette tragédie.

Dominique Blanc compose une Agrippine impériale, mère et femme de pouvoir profondément tourmentée mais dont le statut social impose un masque de dignité qui ne va pas tarder à se craqueler. Laurent Stocker, dans son interprétation, fait apparaître l’aspect très jeune de Néron, ses fêlures concernant sa relation ombrageuse avec sa mère. Sa folie progressive vis-à-vis du pouvoir et des femmes. C’est une approche intéressante car elle n’exclut pas des moments de comédie, surprenants pour cette tragédie qui se joue sous nos yeux.

Georgia Scalliet compose également une Junie mémorable : noble, élégante, romantique et amoureuse tourmentée sont ici habilement suggérés.

Grâce au jeu et à la mise en scène « au couteau » de Britannicus, on redécouvre la richesse de la langue racinienne et la force de son récit digne d’un excellent thriller.

Britannicus
De Jean Racine
Mise en scène de Stéphane Braunschweig
Avec Dominique Blanc, Laurent Stocker, Hervé Pierre, Georgia Scalliet, Clotilde de Bayser, Stéphane Varupenne, Benjamin Lavernhe…
En alternance Salle Richelieu, Comédie Française.
Réservations 01 44 58 15 15
www.comedie-francaise.fr
 
Crédits photo: Photo Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française.

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