Critiques Ciné du moment : faites votre marché !

Février pointe le bout de son nez et enfin le cinéma daigne se réveiller un peu de sa torpeur hivernale. Trois films ont ainsi retenu mon attention, en ce début d’année: Au de là (le dernier Clint Eastwood), Le Discours d’un roi et La Dame de Shangaï.


Au-de là de Clint Eastwood

Clint Eastwood nous régale chaque année par ses films intimistes ou spectaculaires, toujours très bien construits. Au-de là, ne déroge pas à la règle. C’est un film à la fois très romanesque et très actuel, dans le sens où il prend le pouls de notre société avec beaucoup de réalisme. Celle-ci, en effet, malgré sa constante révolution technologique, vit avant tout dans la peur. Peur liée aux catastrophes naturelles (comme le met si bien en scène Clint Eastwood dans la scène d’ouverture), peur des attentats (élément dramaturgique malheureusement fort usité dans ce début de vingt-et-unième siècle fort violent), peur d’accepter une nouvelle vie après un deuil traumatisant, peur de vivre tout simplement avec un don (celui de la voyance) qui vous dépasse.

Certains ont taxé le film de Clint Eastwood de sorte de vilain copié-collé des romans de Marc Lévy. Il en ressort pourtant bien au contraire un souffle à la fois épique (véhiculé notamment par la toujours très fraiche et charismatique Cécile de France) et intimiste (la détresse du jeune indien face au deuil de son frère jumeau, la dimension très humaine du statut de voyant interprété par Matt Damon). Clint Eastwood sait ainsi s’emparer d’un roman haletant, en développant ses thématiques qui lui sont chères et qui rendent ce récit cinématographique avant tout spectaculaire.

De Clint Eastwood. Avec Cécile de France, Matt Damon, etc.


Le Discours d’un roi de Tom Hooper

Douze nominations aux Oscars viennent auréoler ce film britannique au scénario pour le moins original. Dans l’Angleterre des années trente, Albert (Colin Firth, royal!), fils cadet du roi d’Angleterre vit heureux auprès de sa femme, Lady Elisabeth et de ses deux charmantes petites filles. Mais son père souhaitant le faire connaître aux yeux du public, « Bertie » doit devant un stade plein à craquer, prendre la parole, le tout étant retransmis par la BBC. Un exercice qui tourne au fiasco car Bertie est bègue et fort émotif. Sa rencontre avec un étonnant orthophoniste qui se rêve acteur (génial Geoffrey Rush), va toutefois lui ouvrir d’autres horizons, d’autant que son interlocuteur allemand, Adolf Hitler ne manque pas de coffre, dans cette période de pré-seconde guerre mondiale.

La grande réussite de ce film est de nous proposer une exploration psychologique très originale et très nuancée du personnage historique de George VI, qui de l’ombre est passé à la lumière, dans une période sombre de l’histoire européenne, par le concours d’un personnage d’orthophoniste aussi chaleureux qu’excentrique. A la manière de The Queen, les coulisses du pouvoir sont ici présentées dans leur dimension la plus humaine, ne se déparant jamais de cet humour anglais dont nous serons toujours fans.

De Tom Hooper. Avec Colin Firth, Geoffrey Rush, Helena Bonham Carter…


La Dame de Shangaï d’Orson Welles

Orson Welles est amoureux de la belle Rita Hayworth et il la filme dans ce film noir très léché, repris dans quelques salles parisiennes. Ce que j’aime avant tout dans les vieux films et notamment dans les bons vieux films, comme celui-là, c’est de me sentir complètement paumée dans une époque, un lieu, une intrigue, dans une langue qui n’est pas la mienne. Et où finalement tout peut arriver.

La Dame de Shangaï possède ainsi tous ces ingrédients dramaturgiques exotiques, avec de vraies trouvailles de prises de vues. Le film s’ouvre sur l’étonnant phrasé « irlandais » du grand Orson. Il est ce héros de polar déchu, désabusé mais toujours ironique. Le voici embarqué dans une idylle amoureuse compliquée (la belle Rita Hayworth est mariée à un riche avocat qui l’a embauché lui-même comme capitaine).

La croisière ne s’amuse pas tant que ça malgré les belles tenues de la grande Rita, le drame policier ne tarde pas à poindre…

Méfions-nous des histoires d’amour qui commencent trop bien…

D’Orson Welles. Avec Orson Welles, Rita Hayworth…