Entretien avec les distributrices de Ceuta, douce prison

docks66Pour parler de la distribution de Ceuta, douce prison et mieux appréhender ses enjeux, nous nous sommes entretenus avec ses distributrices Violaine Harchin et Aleksandra Cheuvreux, de Docks 66. Rencontre.

Avant de parler de Ceuta, douce prison, pouvez-vous nous parler de votre jeune société de distribution, de sa création, sa ligne éditoriale et ses projets ?

DOCKS 66 est avant tout une structure reposant sur un désir commun : celui de défendre le documentaire. En en produisant bien sûr,mais aussi en faisant en sorte que ce genre soit vu et montré le plus largement possible.
Le fait d’avoir cette double activité de production et de distribution nous a permis de nous mettre plus vite le pied à l’étrier et de bénéficier d’une visibilité plus rapide dans ce secteur, car en production, soyons honnêtes,entre le temps de l’écriture d’un projet et sa mise en production, c’est très, très long !
Notre ligne éditoriale repose avant tout sur le souhait de défendre des points de vue d’auteur. Nous avons un penchant très clair pour les films de société, mais nous aimerions également développer des projets d’investigation ou encore des films de découverte.

Au final, chaque film viendra dans son temps nourrir notre catalogue et créer un équilibre éditorial naturel, nous permettant de travailler avec un large panel de films documentaires pour la télévision mais aussi de pourvoir contribuer à l’émergence de projets cinématographiques.

Comment avez-vous été amenées à distribuer Ceuta, douce prison ? Comment s’est passée votre rencontre avec les réalisateurs ?

Les réalisateurs sont venus à nous. En effet, le monteur de leur film,Matthieu Augustin, était également celui du long-métrage Le Bonheur…Terre promise de Laurent Hasse que nous avons distribué en salles (note : sortie le 26 décembre 2012) et comme Jonathan et Loïc étaient à la recherche d’un distributeur, le lien s’est fait par ce biais.
Je crois que tout, depuis la lecture du premier mail que Jonathan nous a adressé, en passant évidemment par le visionnage du film et la rencontre avec Loïc et Jonathan nous a donné envie d’accompagner et de défendre ce film.
Il nous semblait essentiel pour son fond, les destins de vies et les enjeux qu’ils mettaient en lumière.
Par ailleurs, très différent de Bonheur…terre promise, nous savions que nous allions devoir travailler très différemment sur sa sortie, ce qui était assez excitant comme idée.

Nous sommes portées par le souhait de trouver pour chaque film un modèle de distribution « sur mesure ». Pour Ceuta, douce prison par exemple, nous avons pris beaucoup de temps pour trouver des partenaires institutionnels liés aux droits de l’Homme, aux questions migratoires, à la lutte contre le racisme… C’était un rouage qui nous semblait capital au vu de la thématique. Aujourd’hui, nous sommes convaincues que les structures qui nous accompagnent sont bien plus que de simples logos sur nos supports de communication, mais de véritables partenaires, impliqués dans la sortie du film, et sur le plus long terme, la réussite de son exploitation.

Quels sont les enjeux de distribution d’un tel documentaire, les écueils à éviter ?

Pour un petit distributeur, qui n’est pas encore implanté dans les réseaux des grands de la distribution, et doit se faire connaitre, avec peu de moyens humains et financiers, la tâche n’est pas simple. Soutenir ce type de film, fragile, on le sait, également. Alors il faut se lancer dans l’aventure avec conviction pour le film et rigueur à l’égard des personnes envers qui on s’est engagé. … et tenir le coup quand après 15 appels passés à des exploitants de salle en s’entend dire : « pas le temps de voir votre DVD », « je ne vois pas ce que je peux en faire » ou « nous avons déjà programmé d’autres films sur le même sujet »… C’est la règle du jeu, et elle n’est simple pour personne, et bien souvent non plus pour les personnes qui nous répondent cela.

C’est donc les quelques coups de fils où un vrai dialogue s’établit avec un exploitant à l’autre bout de la France, ou un commentaire d’un spectateur ravi d’avoir vu le film qui nous donne envie de s’accrocher. On en est certaines, le public pour ce type de film existe, mais aller le chercher est exigent. Alors on essaye de proposer une « valeur ajoutée », par exemple de mettre en place un maximum de projections en présence d’un ou des réalisateurs, ou d’intervenants de structures partenaires.
Mais on va même au-delà : on a également l’idée d’organiser des tables rondes avec des intervenants qui donneront un éclairage différent sur le sujet du film et de monter une exposition de photo en résonance avec la thématique du documentaire.

Les distributrices!

Quelle est la vie d’un documentaire comme Ceuta, douce prison une fois sa sortie en salles effectuée ?

Eh bien, on l’espère, de circuler le plus possible dans des salles aux quatre coins de la France, afin de pouvoir être montré à un public varié, mais aussi, pour ne pas dire surtout, de rester le plus longtemps possible sur les écrans.
Ce type de film a besoin de temps pour s’installer, et pouvoir profiter du bouche à oreille. Par ailleurs, pour ce film, nos nombreux partenaires peuvent nous aider localement à mettre sur pied des événementiels autour du film. Mais là encore, cela prend du temps…. Proposer des débats et/ ou faire venir le réalisateur, c’est aussi un investissement pour les salles, donc mieux vaut prendre le temps juste de bien préparer cela en amont pour être sûr que le public sera au rendez vous.
Ensuite, dans le respect de la chronologie des médias, il y a la sortie DVD (et VOD) à mettre en place pour le grand public mais aussi dans les réseaux institutionnels et culturels, et puis bien sûr tenter d’activer les réseaux et la visibilité du film auprès des ciné-clubs et des nombreuses associations et structures qui peuvent prendre le relais pour des projections non commerciales.

Comment chacune d’entrevous, vous répartissez-vous les tâches au quotidien ?

On est un binôme extrêmement soudé, donc pas de décision unilatérale,plutôt des choix mûris à deux, argumentés par l’une et par l’autre avec opiniâtreté bien souvent, mais aussi la nécessaire écoute de l’autre. C’est qui nous fait avancer et nous motive intellectuellement. Un dialogue permanent.
Au quotidien, pas de spécialisation particulière pour l’une ou l’autre. On s’occupe de tout, ensemble. Bien sûr pour les très nombreux appels, mailings, etc., on se repartit la tâche, en tenant l’autre au courant avec transparence de ses avancées, réussites et échecs. Mais on suit tout le process de distribution côte à côte, avec une certaine idée du travail d’équipe.

Le travail sur la recherche des partenariats représente quel pourcentage environ par rapport au reste de vos tâches ?

Difficile de chiffrer, mais clairement, très important ! C’était un travail laborieux, mais passionnant. Cela nous a permis de faire connaissance avec de nombreuses structures qui font un travail remarquable autour des questions migratoires et des défenses des droits de l’Homme. De vraies rencontres autour d’un film, qui au-delà de ses qualités cinématographiques peut devenir vecteur d’un débat de société complexe.

Pouvez-vous justement nous préciser les tâches à accomplir pour distribuer un documentaire ?

Elles sont nombreuses. Polyvalence exigée dans une petite structure comme la nôtre… Il faut définir une stratégie de distribution qui consiste à choisir une date de sortie, et donc établir un planning pour que toutes les étapes avant l’arrivée en salles puissent être effectuées le mieux possible. Création de la bande-annonce, des affiches et autres supports de communication, choix de nos différents collaborateurs,travail de presse (projections, mailings,…), qui doit se faire en parallèle de recherche de financements, de soutiens, de partenaires… Ensuite, vient la programmation. Un travail de fourmis avec les moyens dont nous disposons.

Une circulation à l’étranger de Ceuta est-elle prévue, hormis en festivals ?

On va y travailler dès que la sortie en France sera pleinement lancée. Quelques jalons sont déjà posés en Espagne et en Suisse, mais cela reste des pistes à concrétiser.
Là encore, nous comptons sur les partenaires qui sont de dimension européenne pour nous aider à élargir la visibilité de ce film, et de permettre à des spectateurs étrangers de le découvrir.

Pour en savoir plus sur Docks 66: http://www.docks66.com/
Sur la première photo, à gauche, Aleksandra Cheuvreux et à droite, Violaine Harchin.

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