MELVIL POUPAUD: LA CHAMBRE OBSCURE, CETTE MAGIQUE ALCHIMIE 1/2

Le cinéma c’est d’abord un parcours. Etrange, tortueux, fascinant. Il nous a forcé à pousser la porte du mythique Champo pour (re)découvrir Les Chaussons rouges. Puis a fait clignoter presque devant nous, dans le cinéma voisin, une pancarte nous invitant à célébrer sur grand écran la parution en DVD de La Chambre obscure (2000). Un film défendu entre autres par son interprète Melvil Poupaud. Une belle opportunité pour s’entretenir avec ce charmant comédien, artiste dans l’âme.

Comment s’est passée ta rencontre avec Marie-Christine Questerbert la réalisatrice ?

MP : J’avoue qu’au début, j’étais un peu sceptique. Faire un film qui se passe au Moyen-Âge, sachant qu’il n’y aurait pas un gros budget. Je me demandais aussi quel esthétique elle allait adopter. Mais une fois que je l’ai rencontrée, j’ai vu combien elle maîtrisait le sujet, la période, et le cinéma qui avait traité cette période. Et beaucoup de documentation sur les enluminures, des miniatures, aussi.

Ensuite le personnage de Marie-Christine m’a tout de suite séduit par son intelligence, son originalité, sa complexité et sa vraie passion pour le cinéma.

Comment Marie-Christine Questerbert t’a présenté le personnage ?

D’abord, c’était un contre-pied par rapport à l’image du chevalier qu’on a d’habitude en tête. Ensuite le personnage vraiment leader de l’histoire était la fille, celle qui manipule, toujours un peu dans l’ombre. J’aime bien le contraste entre sa volonté à lui de faire la guerre, d’affirmer son pouvoir et le fait qu’il n’arrive pas à se débarrasser de cette fille ; je crois que ce sont des thèmes assez universels et même contemporains sur les rapports amoureux et la place de la femme. Ce personnage d’homme un peu blessé qui n’arrive pas à s’épanouir puis qui à la fin se retrouve pris au piège, avec toujours cette idée de jeu derrière, avec cette fille qui, elle, sait ce qu’elle veut, et arrive à l’obtenir.

« Sur le tournage, il y avait une vraie communion d’esprit et d’humour »

Comment on travaille cette idée de jeu avec la comédienne Caroline Ducey ?

Déjà avec Caroline on s’est très bien entendu dans la vie ; c’est vraiment devenu une copine. Elle a un humour très particulier. Il y avait comme une espèce de communion d’esprit et d’humour sur le tournage. Marie-Christine a un humour très spécial, avec une façon de rire qui surgit de façon inattendue, mais qui est toujours très entraînant et Caroline aussi. Donc il y avait parfois un peu d’abstraction entre nous dans la discussion (même dans la compréhension, ça se jouait parfois sur un fil), mais au final, c’était toujours très agréable, très tendre. Avec Caroline, c’était plus un jeu : on s’amusait, on déconnait dans les costumes. Y avait un petit côté enfantin de se retrouver projeté dans cet univers, dans ces décors-là.

Tu as ton mot à dire justement sur le choix des costumes ?

Ah oui, de plus en plus. A l’époque peut-être moins, surtout pour ce film où il y avait de véritables recherches, c’était déjà très établi. Mais de plus en plus aujourd’hui, je suis assez intransigeant sur mes costumes parce que j’ai une idée de plus en plus précise sur le le look que j’ai envie de donner au personnage. Avec ce costume médiéval, le fait que ça soit serré, cintré, faisait qu’on se tenait droit. Des petits détails comme ça, qui influencent le jeu.

La scène de La chambre obscure, dans cette pénombre surprenante impliquait un jeu millimétré…

Il ne faut pas oublier aussi le travail du chef- opérateur, qui s’est beaucoup impliqué. En tant que comédien, c’est vrai qu’il fallait prendre en compte tout ça (les directives de Marie-Christine, le fait qu’il ne fallait pas jouer de façon figée malgré les contraintes de cadrage, jouer de façon finalement très moderne, en respectant les postures). Dans la chambre notamment, c’était des scènes extrêmement étranges à tourner parce qu’on n’avait pas du tout idée de ce que donnerait le résultat.

Et quand tu vois le film, j’étais étonné de la beauté de la lumière et de la véracité de la situation. On y croit alors que c’est quand même un peu magique. Y a un côté cinématographique qui traite aussi de l’aveuglement de l’amour, du déni, et ça fonctionne très bien.

Le DVD de La Chambre obscure est actuellement en vente, aux Editions Blaqout.

 

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