Critique La Folle de Chaillot

Pour célébrer les cent ans de la Comédie des Champs-Elysées, c’est La Folle de Chaillot de Jean Giraudoux qui est à l’honneur depuis le 2 février dernier, emmenée par Anny Duperey et pas moins d’une vingtaine de comédiens sur le plateau (!). Homme de théâtre cultivé et ingénieux, c’est Didier Long qui en signe la mise en scène.

La première réaction que nous avons, en sortant de cette représentation, est de songer à l’audace « folle » du metteur en scène et du théâtre qui abrite le spectacle : faire jouer sur scène une vingtaine de comédiens, construire deux décors chacun aussi ambitieux que l’autre, jouer ce texte si littéraire et en même temps si incisif (on est ainsi surpris par le lyrisme écologique qui en ressort).

Le pari est de taille donc mais le résultat est particulièrement réjouissant. Il faut dire que dans toute mise en scène réussie, chaque détail a son importance : ainsi du plus petit au rôle le plus important, chacun le défend avec foi, du costume ou de l’accessoire le plus simple au plus exubérant (les costumes sont à l’image de l’univers de Giraudoux, fantasques et pragmatiques, colorés et sombres à la fois).

Didier Long choisit de mettre en lumière une Folle intemporelle en brouillant volontiers les pistes : le texte donne quelques indications de dates mais certains personnages appartiendront à notre époque (en témoignent les rivaux de la Folle, businessmen aux dents longues arborant des tenues de traders d’aujourd’hui), tandis que d’autres (comme la Folle ou ses amies) porteront des costumes théâtraux d’un genre volontiers plutôt bouffon. D’autres enfin, porteront des tenues rappelant leurs métiers, façon années 40 (époque où a été écrit la pièce, à la fin de la vie de Giraudoux).

Vers cet ailleurs poétique cher à Giraudoux

Dans le premier acte, c’est la terrasse du Francis qui accueille la rencontre entre un groupe d’hommes d’affaires inquiétants et une curieuse aristo-clocharde, forte en gueule et en distinction.

Anny Duperey apporte une touche à la fois élégante, tendre et généreuse à cette femme haute en couleurs (ici c’est à prendre au sens propre comme au sens figuré). Elle se régale avec ses trois autres congénères (la géniale Catherine Salviat qui porte une robe de mariée aussi délicieuse qu’incongrue), la sémillante Catherine Hosmalin et la truculente Fabienne Chaudat.

Dans le second acte, nous entrons dans l’antre de la Folle, théâtre dans le théâtre puisqu’il est aussi le lieu du célèbre plaidoyer du chiffonnier (incarné par Dominique Pinon qui nous entraîne assez facilement vers cet ailleurs poétique suggéré par l’écriture de Giraudoux).

C’est un vrai plaisir de spectateur que de voir exister à nouveau sur scène cette héroïne inclassable, amoureuse soudainement réveillée, femme engagée autant que libre, avec la façon malicieuse dont Giraudoux règle ici l’objet de son combat.

Le texte de Giraudoux est ingénieusement rythmé par des trouvailles comme la façon d’introduire chacun des personnages. Les acteurs sont de tous âges et incarnent souvent plusieurs personnages. Les jeunes comédiens comme Stéphanie Caillol (Irma la plongeuse), Adrien Melin (un jeune prospecteur), tirent habilement leur épingle du jeu.

Derrière la légèreté du ton et la fantaisie des costumes et des lieux, la troupe de Didier Long nous a entrainé bel et bien vers cet ailleurs poétique fort, plus profond et tourmenté qu’il n’y paraît (le texte a été écrit sous l’Occupation). C’est une belle entreprise de théâtre qu’il faut ici saluer.

La Folle de Chaillot de Jean Giraudoux

Mise en scène de Didier Long

Avec Anny Duperey, Dominique Pinon, Catherine Salviat, Romain Apelbaum, Jean-Paul Bordes, Stéphanie Caillol, Jacques de Cande, Franck Capillery, Fabienne Chaudat, Catherine Hosmalin, Mathias Jung, Antoni Klemm, Gaelle Marie, Adrien Melin, Jean-Jacques Moreau, Frédéric Rose, Geoffrey Sauveaux, Martin Schwietzke, Laurent Spielvogel

Comédie des Champs-Elysées

Depuis le 2 février.

Du mardi au samedi 20h30
Matinées dimanche 16h00

Réservation par tél. : 01 53 23 99 19 & Résathéâtre : 0892.707.705 (0,34 €/mn) (location ouverte du lundi au samedi de 11à 19h et le dimanche de 11h à 15h30 )
– E-mail : contact@comediedeschampselysees.com

5 Comments

  • Lilith

    Pour avoir jouer une scène de la Folle, dans le rôle de la folle, y’a pas longtemps, j’ai très très envie de me rendre à la Comédie des Champs-Elysées !
    Et pis aussi parce que Dominique Pinon!

    • Laetitia Heurteau

      Et oui le texte est unique et bien sûr la prestation de Dominique Pinon vaut le détour! Merci pour votre commentaire ! 😉

  • bottom

    C’est une plaisanterie. Le texte de Giraudoux est vieillot, désuet et plus moralisant qu’engagé. La seule audace de Didier Long est d’avoir su glisser tous ces comédiens sur un si petit espace.
    Quant à la Folle incarnée par Anny Duperey, on s’attend à chaque instant à la voir prendre le thé dans son salon pour une de ces réunions tuppeware avec ses amies des beaux quartiers.
    Du bien pôvre théâtre, sans interêt, lisse, plat, qui voudrait bien avoir l’air, mais qui a pas l’air du tout..
    A éviter absolument..

    • Laetitia Heurteau

      Tous les avis sont les bienvenus sur Esprit Paillettes y compris les goûts collecteurs…

    • dolman

      Bravo, non pas a la piece, mais. Au commentaire de monsieur bottom. Piece a eviter, cher et sans intérêt. Quel gachis!

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