Après le Guichet Montparnasse, la compagnie Etincelle reprend L’Aigle à deux têtes de Jean Cocteau au Théo Théâtre jusqu’au 20 décembre et joue la pièce pour deux soirées exceptionnelles les 16 et 30 novembre au Musée des lettres et des Manuscrits. A la tête de cette jeune compagnie, Caroline Rainette met en scène et incarne la Reine, un projet qui lui tenait à cœur depuis déjà dix ans. Cette pièce, créée au théâtre comme au cinéma avec Jean Marais et Edwige Feuillère est à redécouvrir de toute urgence.

Jugée souvent « pièce inmontable » selon la profession, L’Aigle à deux têtes a finalement été très peu montée depuis sa création dans les années 1940. Le texte et les thématiques sur l’amour, le pouvoir, le complot politique, la trahison que l’on redécouvre ici sont pourtant d’une rare modernité. On y retrouve l’écriture de Cocteau toujours incisive, drôle, poétique.

C’est un projet de mise en scène qui tient à cœur Caroline Rainette depuis dix ans déjà. Elle y incarne cette reine, très proche de l’univers de Sissi l’impératrice, qui vit recluse de la politique depuis que son époux, Frédéric est mort dans un attentat au matin de son mariage de noces, il y a tout juste dix ans.

Stanislas, un poète anarchiste fait alors irruption dans le château de Krantz où elle s’est réfugiée dans le but ultime de la tuer.

Hommage à la « poésie de théâtre de Jean Cocteau »

Cette mise en scène de la jeune interprète Caroline Rainette est un véritable hommage à la pièce de Cocteau. Des costumes et des décors construits pour l’occasion par les jeunes élèves du Lycée Marie Laurencin et de l’école Boulle. On y retrouve en effet l’ambiance des décors de la pièce, dans ce château à l’esprit très baroque.

Il faut surtout ici saluer la prestation de Caroline Rainette en tant que comédienne. Elle y incarne avec beaucoup de charisme cette Reine prisonnière du passé et de son ancien amour, obligée de reprendre subitement les rênes de la politique, ne cessant de jouer double-jeu.

Le personnage de Stanislas, destabilisé par sa rencontre avec la Reine est un personnage ici un peu plus passif que dans la mise en scène au cinéma de Jean Marais. La metteure en scène a voulu ici souligner sa position politico-sentimentale constamment instable.

D’autres personnages secondaires viennent ici entouré ce couple romantique très moderne. Mention spéciale à l’interprète de la suivante de la Reine, Edith de Berg (incarnée ce soir-là par Saâdia Courtillat) ou au comte de Foehn (Bruno Aumont) qui souligne bien la duplicité nécessaire aux rouages de la politique. Quelques maladresses parfois à relever dans le choix de mettre en scène des personnages subalternes (domestique muet, etc.)

Il faut surtout saluer ici cette belle initiative de mise en scène qui donne la part belle à des scènes de monologues drôles, émouvants, rythmés, poétiques et particulièrement bien écrits. Un bel hommage à la « poésie de théâtre de Jean Cocteau » dont on célèbre cette année les cinquante ans de sa mort.